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des anciennes triades égyptiennes que des conceptions abstraites des platoniciens.


II

L’unité générale des doctrines exposées dans les livres hermétiques permet de les rapporter à une même école, mais cette unité n’est pas telle qu’on ne puisse y distinguer trois groupes principaux, que j’appellerai juif, grec et égyptien, sans attribuer à ces mots une valeur exclusive et absolue, mais seulement pour indiquer la prédominance relative de tel ou tel élément et les tendances diverses qui rapprochent tour à tour l’école hermétique de chacune des trois races formant la population d’Alexandrie. L’attention doit se porter d’abord sur le groupe juif, qui se rattache plus directement à l’histoire si intéressante pour nous des origines du christianisme. Entre les premières sectes gnostiques et les Juifs hellénistes représentés par Philon, il manquait un anneau : on peut le trouver dans quelques livres hermétiques, particulièrement dans le Poimandrès et le Sermon sur la montagne ; peut-être y trouvera-t-on aussi la raison des différences souvent constatées entre les trois premiers Évangiles et le quatrième.

Poimandrès signifie le pasteur de l’homme ; le choix de ce mot pour désigner l’intelligence souveraine est expliqué par ce passage de Philon : « notre intelligence doit nous gouverner comme un pasteur gouverne ses chèvres, ses bœufs ou ses moutons, préférant pour soi-même et pour son bétail l’utile à l’agréable. C’est surtout et presque uniquement à la providence de Dieu que les parties de notre âme doivent de n’être pas sans direction et d’avoir un pasteur irréprochable et parfaitement bon, qui empêche notre pensée de s’égarer au hasard. Il faut qu’une seule et même direction nous conduise à un but unique ; rien n’est plus insupportable que d’obéir à plusieurs commandemens. Telle est l’excellence des fonctions de pasteur qu’elles sont justement attribuées non-seulement aux rois, aux sages, aux âmes purifiées par l’initiation, mais à Dieu lui-même. Celui qui l’affirme n’est pas le premier venu, c’est un prophète qu’il est bon de croire, celui qui a écrit les hymnes ; voici ce qu’il dit : « Le Seigneur est mon pasteur et rien ne me manquera. » Que chacun en dise autant pour lui-même, car ce chant doit être médité par tous les amis de Dieu[1]. »

On a rapproché le Poimandrès d’Hermès Trismégiste du Pasteur de saint Hermas ou Hermès, contemporain des apôtres. Ce Pasteur

  1. Philon, de Agricultura.