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l’intelligence, si elle est unique ou associée à une autre ou à plusieurs autres, si elle est incorporelle ou corporelle, si elle est identique au Créateur ou au-dessus du Créateur, si tout dérive d’un seul ou de plusieurs, si les égyptiens connaissent la matière, et quels sont les premiers corps, si la matière est pour eux créée ou incréée ; car Chérémon et les autres n’admettent rien au-dessus des mondes visibles, et dans l’exposition des principes ils n’attribuent aux Égyptiens d’autres dieux que ceux qu’on nomme errans.(les planètes), ceux qui remplissent le zodiaque ou se lèvent avec eux… En un mot, ils ne parlent que des choses naturelles et n’expliquent rien des essences incorporelles et vivantes. La plupart soumettent le libre arbitre au mouvement des astres, à je ne sais quels liens indissolubles de la nécessité qu’ils nomment destinée, et rattachent tout à ces dieux qui sont pour eux les seuls arbitres de la destinée, et qu’ils honorent par des temples, des statues et les autres formes du culte. »

À cette lettre de Porphyre, Jamblique répond sous le nom du prêtre Égyptien Abammon[1]. Pour prouver que la religion égyptienne est excellente, il fait une exposition de ses propres idées et les attribue aux Égyptiens. Ce traité, intitulé des Mystères des Égyptiens, est rempli par d’interminables dissertations sur la hiérarchie et les fonctions des âmes, des démons, des dieux, sur la divination, la destinée, les opérations magiques, sur les signes auxquels on peut reconnaître les différentes classes de démons dans les théophanies, sur l’emploi des mots barbares dans les évocations. Après toute cette théurgie, qui fait parfois douter si l’auteur est un charlatan ou un insensé, il consacre à peine quelques lignes à la religion égyptienne, et ces quelques lignes sont pleines d’incertitude et d’obscurité. Il parle des stèles et des obélisques d’où il prétend que Pythagore et Platon ont tiré leur philosophie, mais il se garde bien de traduire une seule inscription. Il assure que les livres d’Hermès, quoiqu’ils aient été écrits par des gens initiés à la philosophie grecque, contiennent des opinions hermétiques, mais quelles sont-elles ? Il était si simple de citer.

De cette comparaison des documens grecs sur la religion égyptienne, devons-nous conclure que l’Égypte a toujours été pour les Grecs un livre fermé, et qu’en interrogeant la terre des sphinx ils n’ont obtenu pour réponses que des énigmes, ou l’écho de leurs propres questions ? Une telle conclusion serait injuste pour les Grecs ; les renseignemens qu’ils nous fournissent ont été complétés,

  1. Du moins une note placée en tête de cette réponse l’attribue à Jamblique d’après un témoignage de Proclus.