Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 62.djvu/881

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dire, même les plus savans, avaient peu de critique ; au lieu de s’informer avant de conclure, ils voulaient tout deviner.

Les Égyptiens étaient sans doute mieux connus que les Juifs ; cependant tous les Grecs qui parlent de la religion égyptienne lui donnent une physionomie grecque, qui varie selon le temps où chacun d’eux a vécu et selon l’école à laquelle il appartient. Le plus ancien auteur grec qui ait écrit sur l’Égypte est Hérodote. Il y trouve un polythéisme pareil à celui de la Grèce, avec une hiérarchie de huit dieux primitifs et de douze dieux secondaires, qui suppose une synthèse analogue à la théogonie d’Hésiode. D’un autre côté, chaque ville a, selon lui, sa religion locale ; le culte d’Osiris et d’Isis est seul commun à toute l’Égypte et ressemble beaucoup aux mystères d’Eleusis. Cependant Hérodote est frappé d’un trait particulier à la religion égyptienne, le culte rendu aux animaux ; mais il ne cherche pas la raison de ce symbolisme, si différent de celui des Grecs. Il remarque aussi que, contrairement aux Grecs, les Égyptiens ne rendent aucun culte aux héros. Pour Diodore, c’est le contraire ; les dieux égyptiens sont d’anciens rois divinisés. Il est vrai qu’il y a aussi des dieux éternels, le soleil, la lune, les élémens ; mais Diodore ne s’en occupe pas : le système pseudo-historique d’Évhémère régnait de son temps en Grèce, il en fait l’application à l’Égypte. Vient ensuite Plutarque, à qui on attribue le traité sur Isis et Osiris, le document le plus curieux que les Grecs nous aient laissé sur la religion égyptienne ; cependant lui aussi habille cette religion à la grecque ; seulement, depuis Diodore, la mode a changé. Ce n’est plus l’évhémérisme qui est en honneur, c’est la démonologie. Plutarque, qui est platonicien, voit dans les dieux de l’Égypte non plus des hommes divinisés, mais des démons. Puis, lorsqu’il veut expliquer les noms des dieux, à côté de quelques étymologies égyptiennes, il en donne d’autres tirées du grec, et qu’il paraît préférer. Son traité est adressé à une prêtresse égyptienne, mais, au lieu de lui demander des renseignemens, il propose ses propres conjectures.

Quant à Porphyre, il se contente d’interroger, il soulève des doutes sur les diverses questions philosophiques qui l’intéressent, et demande au prêtre Anébo ce que les Égyptiens en pensent. Ce qui l’inquiète surtout, c’est que, d’après le stoïcien Chérémon, les Égyptiens n’auraient connu que les dieux visibles, c’est-à-dire les astres et les élémens. N’avaient-ils donc aucune idée sur la métaphysique, la démonologie, la théurgie, et toutes les choses en dehors desquelles Porphyre ne concevait pas de religion possible ? « Je voudrais savoir, dit-il, ce que les Égyptiens pensent de la cause première, si elle est l’intelligence ou au-dessus de