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retirée d’autres planètes, telles que la lune. À vrai dire, il faut pour cela compter les siècles par millions.

Pendant que la série animale suit dans l’ordre des créations l’échelle progressive (et quel progrès plus merveilleux que celui-là !) que nous venons de faire entrevoir, la flore obéit à la même loi, et en sondant les couches du globe, en interrogeant les divers fossiles végétaux, des plus anciens aux plus modernes, on voit les cryptogames précéder les monocotylédonés, et ceux-ci les dicotylédones dont les essences si variées parent aujourd’hui le sol. La vie est donc partout ici-bas, et va sans cesse se modifiant. Rien ne se crée, rien ne se perd. La vie seulement, comme nous avons essayé de le faire comprendre, revêt à un moment donné des formes nouvelles, et de plus en plus parfaites. C’est dans cette immense évolution, la plus splendide qu’un philosophe ait jamais pu concevoir, que l’homme a été créé à son tour, et si des découvertes comme celles que nous venons de signaler se multiplient, la science pourra bientôt fixer le moment précis de cette apparition.

À ce grave et difficile problème, on ne songeait guère hier, sur la foi de Cuvier, qui se refusait même à admettre des singes fossiles, mais la solution de la question a fait un grand pas depuis la découverte dans le terrain du diluvium de silex travaillés, découverte qui est la gloire de M. Boucher de Perthes. À la suite de ce patient investigateur est venue une phalange de chercheurs infatigables, et M. Éd. Lartet, le célèbre paléontologiste, a démontré que l’homme en France a été le contemporain du renne, de l’éléphant primitif, du rhinocéros à narines cloisonnées, et de l’ours des cavernes, espèces aujourd’hui éteintes ou reportées dans les contrées polaires. Tout cela ne nous ramène encore qu’au terrain que les géologues nomment quaternaire, terrain dont la formation a immédiatement précédé celle des terrains d’alluvion qui se déposent encore sous nos yeux ; mais M. Desnoyers, en France, a découvert dans un terrain plus ancien, le terrain tertiaire supérieur, des ossemens travaillés, indice évident de la présence de l’homme, et M. Cocchi, de Florence, dans le terrain du val d’Arno[1], a trouvé, au milieu d’ossemens analogues appartenant à de grands mammifères et également travaillés, un crâne humain fossile. J’ai vu dans le musée d’histoire naturelle de Florence cette pièce d’anatomie ou plutôt d’anthropologie unique en son genre. La partie supérieure seule de la boîte osseuse existe. Tous les naturalistes auxquels elle a été soumise ont été unanimes à y distinguer des caractères de fossilisation complets, et ont reconnu dans la forme les indices d’une antiquité telle qu’aucun crâne humain fossile ne saurait être opposé à celui-là. Tout au plus pourrait-on lui comparer le crâne trouvé dans le Neanderthal (Prusse rhénane). Voilà donc

  1. Ce terrain appartient à l’étage moyen du terrain tertiaire, c’est-à-dire qu’il est plus ancien encore que le terrain exploré par M. Desnoyers.