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caractère : les uns demanderaient davantage, les autres se contenteraient de moins ; mais les uns et les autres veulent un progrès quelconque dans la même direction. Tous désirent que les restrictions qui entravent les libertés naturelles du pays soient relâchées à un certain degré, de telle sorte que la nation soit progressivement amenée à prendre une part plus directe et plus active à son propre gouvernement, et que le pouvoir exécutif s’ouvre avec plus de confiance à l’influence continue de l’opinion publique. Ils se sentent d’ailleurs protégés et encouragés dans cette tendance par les deux termes fondamentaux de la constitution, qui sont les principes de 1789 et le suffrage universel : la constitution a été déclarée perfectible, et il ne saurait y avoir de doute sur la direction naturelle de ses progrès, puisqu’elle s’est donné pour tâche de réaliser la pétition des droits de la révolution française et d’arriver au complet exercice de la souveraineté nationale par le suffrage universel. Deux politiques sont donc en présence sur un terrain très légal et très constitutionnel, représentées désormais dans la chambre et dans le pays par des organes réguliers et autorisés, — l’une qui veut conserver purement et simplement ce qui est, l’autre qui poursuit le progrès constitutionnel. La lutte pacifique est commencée, elle est dans la nature et dans la force des choses ; le mouvement ira de lui-même à son but nécessaire. Ce qu’il faut souhaiter maintenant, c’est que personne n’en méconnaisse la nature et la puissance, et n’en trouble la régularité par des précipitations inconsidérés ou des résistances intempestives et maladroites.

Nous ne le dissimulerons point, nous sommes de ceux qui aimeraient à voir le gouvernement modérer et fortifier le mouvement libéral en s’y associant ; à nos yeux, les démonstrations données par l’opinion libérale à l’appui de ces idées ont été complètes. Les discussions ultérieures n’apporteront aucune preuve nouvelle : la cause que les libéraux ont défendue est de celles qui sont gagnées dès qu’il est permis ou possible de les plaider. Le succès dans les faits ne peut s’accomplir que de deux façons, ou par une manifestation souveraine de la volonté publique envoyant à la chambre, aux prochaines élections, une majorité libérale, ou par l’initiative prévoyante du pouvoir mettant lui-même la main à la réalisation des libertés nécessaires. Dans l’intérêt de la consolidation paisible et durable de ces libertés, nous préférerions l’initiative réformatrice du gouvernement à une victoire d’opposition. Nous croyons que le gouvernement pourrait, s’il le voulait, se tenir pour suffisamment éclairé par la discussion de l’adresse et entrer prudemment et promptement dans la voie des réformes. Le chiffre des majorités qui ont repoussé les amendemens libéraux ne devrait pas être pour lui un motif de réserve et d’inaction : il ne peut pas ignorer en effet, et le discours de M. Segris l’a montré, que plusieurs des membres les plus éclairés de la majorité, s’ils hésitent encore à voter les amendemens libéraux, en partagent au fond les opinions ; d’ailleurs, connaissant mieux