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législatif, que nombre d’esprits dont les intentions et les tendances ne peuvent être accusées d’hostilité par les amis les plus dévoués du présent ordre de choses pensent qu’il est nécessaire que de promptes modifications soient apportées aux procédés du gouvernement. L’idée s’est élevée et se répand de plus en plus que l’initiative politique est aujourd’hui trop exclusivement concentrée dans le pouvoir exécutif, et que l’intérêt général conseille de faire participer plus directement et plus largement la nation à la conduite des affaires publiques au moyen des libertés qui sont l’organisme essentiel de l’autonomie populaire. On éprouve généralement le besoin de développer, du moins en face de l’initiative du pouvoir exécutif, la spontanéité du suffrage universel. On veut assurer et régulariser l’influence continue de l’opinion et de la volonté nationale sur le pouvoir. Tel est en termes très généraux, très abstraits si l’on veut, mais suffisamment significatifs, le but poursuivi. Voilà, on peut le dire, les vœux qui pour la première fois depuis quatorze ans ont été exprimés dans la discussion de l’adresse avec précision, avec énergie, avec un enchaînement logique d’idées, avec un concours d’opinions auxquels on n’était plus habitué. Les questions ont été posées avec une netteté saisissante qui répondait aux préoccupations de l’opinion publique éclairée, et qui est de nature à rendre cette opinion plus persévérante et plus ferme. Il s’agit maintenant de savoir quel chemin ces questions vont faire.

Les débats de l’adresse ont parfaitement décrit les caractères de l’ordre de choses actuel. Sur ce point, les critiques présentées avec une certaine rigueur par MM. Thiers et Jules Favre, avec plus de modération par MM. Buffet, Martel et Ollivier, ne sont point contredites par les apologies de M. Rouher. L’ascendant très prépondérant du pouvoir exécutif sur la vie politique du pays est aussi bien constaté par ceux qui le trouvent légitime et salutaire que par ceux qui le croient excessif et périlleux. Le pouvoir exécutif est maître de la presse, puisqu’il s’est attribué sur elle le droit de vie et de mort, le droit de vie par l’autorisation qu’il peut accorder ou refuser à la création des journaux, le droit de mort par les avertissemens ou les suppressions résolus sans débat contradictoire par l’autorité administrative. Sur ce point, la spontanéité de l’opinion publique est singulièrement contrôlée par le pouvoir. La presse est la forme la plus ordinaire et la plus constante de l’autonomie des peuples modernes ; les droits d’association et de réunion en sont une forme plus accidentelle, mais dans certaines circonstances naturelle et nécessaire. Il n’est pas possible par exemple que les élections, qui doivent exprimer des opinions concertées et des actes de volontés collectives, s’accomplissent avec une sincérité réelle, si les électeurs n’ont pas la faculté de s’associer et de se réunir.

La contradiction est encore plus illogique dans un pays où le suffrage universel est la base de la souveraineté. Le suffrage universel ne peut être considéré comme une abstraction et une fiction : en France, il est l’organe