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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



31 mars 1866.

Il n’y a pas eu depuis bien des années dans l’histoire contemporaine de la France d’épisode plus intéressant que la phase où nous sommes. La discussion de l’adresse, qui a duré près d’un mois, a déterminé dans notre pays un éclatant réveil de la vie publique. À peine ces féconds et glorieux débats sont-ils achevés que nous nous trouvons en présence d’une des plus graves complications qui puisse troubler l’Europe, d’une lutte entre la Prusse et l’Autriche, d’un antagonisme qui met en question l’organisation politique de l’Allemagne et l’équilibre des forces à côté de nous, au centre du continent. La menace d’un conflit entre les deux puissances allemandes excite en ce moment une grande anxiété ; mais les questions extérieures ne pourront plus de longtemps faire diversion en France aux préoccupations de la politique intérieure. Les vicissitudes des rivalités germaniques n’auront pas le pouvoir de distraire notre pays de l’intérêt sérieux et généreux qu’il recommence à prendre à la pratique et au progrès de ses institutions.

C’est la première fois peut-être depuis quatorze ans que l’on s’est expliqué à fond, au corps législatif, sur la politique intérieure ; c’est la première fois du moins, pendant cette période, que le grand public a pris goût d’une façon si manifeste à l’examen approfondi du système de gouvernement qui nous régit. D’une part, chez les orateurs, le zèle, l’application, les efforts multipliés et prolongés, le talent s’animant d’une chaleur plus vive et se gonflant d’un souffle plus robuste ; de l’autre, dans le public, la curiosité éveillée, attentive, empressée, sympathique : voilà, à n’en juger que par le dehors, les apparences dominantes du beau spectacle que la France vient de se donner à elle-même. Les artistes et le public se sont retrouvés avec joie comme après une longue séparation et se sont mutuellement répondu. À s’en tenir encore à la forme extérieure, l’ensemble de