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cette idée, l’accueille, la repousse, y revient encore, s’y soustrait enfin parce que son génie inventif lui suggère une autre opération aussi infâme, mais infâme sans scandale. Avili mille fois aux yeux de la conscience, on voit combien il lui en coûte de s’avilir aux yeux du monde ; on voit aussi que ce châtiment ne saurait lui manquer, et que la victoire de la courtisane est le dénoûment nécessaire de la lutte.

Le second sujet renfermé dans ce vaste programme, celui qui donne son nom à la pièce, la contagion de l’infamie brillante, est traité avec moins de vigueur que la lutte du baron et de la courtisane. On y reconnaît pourtant dès le début un heureux souvenir des procédés de la grande comédie. Quand Molière veut attaquer un vice, il nous montre son action destructive au sein d’une famille honnête. Dès la première scène de Tartuffe, au moment où nous entrons chez Orgon avec le poète, qu’y a-t-il ? quel est ce bruit ? C’est Mme Pernelle qui distribue à droite, à gauche, soufflets et épigrammes. Toute la maison est en déroute : le père est en guerre avec ses enfans, le mari avec sa femme, le frère avec le frère. L’adultère et la ruine menacent cette famille si calme hier et si heureuse. Pourquoi cela ? Parce que Tartuffe y est entré. Même procédé dans l’Avare et plus frappant encore. L’avare n’a point de maison, point de fille, point de serviteur. Non-seulement son intérieur est troublé par le vice qui le ronge, mais il semble même que cet intérieur n’existe pas. Le fils, sans direction ni conseil, deviendra dissipateur, prodigue, et perdra tout respect pour son père. Sa fille le trompera, son valet l’insultera. Avant même que le personnage principal, type du vice attaqué par l’auteur, ait paru sur la scène, avant qu’on entende la voix d’Harpagon ou de Tartuffe, le mal qu’ils ont fait est déjà visible à tous les yeux. Il y a quelque chose de cela dans la comédie de M. Augier. Le baron d’Estrigaud, comme Tartuffe, ne fera son entrée qu’au second acte ; dès la première scène de la pièce, on voit le résultat de son prestige, la contagion de ses doctrines, de son langage, de toute sa façon de vivre. Modèle d’élégance et d’immoralité, il a tout ce qu’il faut pour tourner la tête à un jeune homme vaniteux, à une jeune veuve sans cervelle, et ce n’est pas le chef de la famille, M. Tenancier, malgré l’honnêteté de ses principes, qui défendra sa maison contre cette pernicieuse influence. C’est un joli tableau que ce premier acte ; des mots heureux, des sentimens élevés, un dialogue vrai, simple, sans nulle déclamation, même aux endroits qui pouvaient s’y prêter un peu, tout cela révèle un talent qui se perfectionne. Le dirai-je pourtant ? la finesse y nuit à la force, ce qui n’est pas l’ordinaire chez M. Augier, et l’image des choses qu’il fallait mettre en relief est certainement au-dessous de la réalité. Le vrai tableau de la contagion, ce n’est pas cet aimable étourdi qui fait le fanfaron de vices, qui affiche une insensibilité de parade, et que la première émotion du cœur corrigera si bien ; ce n’est pas cette jeune veuve que la curiosité met en rapports avec la courtisane Navarette, qui reçoit de la fille perdue une leçon de convenance, qui s’expose par vanité à tomber dans les pièges