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ne seront pas entièrement livrées à la fantaisie, au charlatanisme, aux cupidités impudentes.

Mais supposons encore que dans ce même pays le vaste et légitime développement de la liberté fractionne les grands partis et multiplie les sectes politiques, religieuses, économiques. Il n’y aura bientôt plus seulement une critique tory, whig ou radicale ; il y aura une critique anglicane, dissidente, catholique, positiviste, britannique, irlandaise, que sais-je encore ? Toutes les théories trouveront sans doute leurs défenseurs dans le conflit général : cette variété de nuances assure à chaque plume l’indépendance, à la condition qu’elle fasse le choix d’un drapeau ; mais où sera la vraie critique, celle qui n’a pour but et pour drapeau que la vérité ? Elle seule sera dépouillée de son patrimoine de liberté, et elle devra faire ce sacrifice sans aucune compensation : les grands partis venant à se briser, il n’y a plus ni frein ni règle pour les lettres. Plus de limites à l’excentricité, aux fantaisies vulgaires, à l’esprit mercantile en littérature, du jour où la bride est lâchée au caprice, à l’entêtement personnel, au self-will, qui de l’aveu de nos voisins est le fond du caractère anglais, comme le self-government est le fond de leur constitution. En un mot il n’y aura plus de gouvernement de la littérature.

A cette situation qui, si l’on en croit M. Matthew Arnold, est exactement celle de la critique anglaise, il n’y a qu’un remède, la littérature se gouvernant elle-même, c’est-à-dire la critique affranchie de tout esprit de parti, et l’établissement d’une règle, d’une loi littéraire. Liberté de la critique, autorité de la critique, voilà en deux mots M. Matthew Arnold tout entier. Quelle que soit la nouveauté de ses idées, elles ne sont pas sans précédens, et lui-même a ses devanciers. Libéral, érudit, il suit des traditions. Quelles sont les origines philosophiques et savantes du talent de M. Arnold ? Il faut s’en informer d’abord ; nous viendrons ensuite à l’analyse des doctrines du critique et aux principaux jugemens qu’il a semés ça et là dans ses écrits.


I

Le nom d’Arnold est populaire dans les classes cultivées de l’Angleterre ; le père de M. Matthew Arnold, mort il y a plus de vingt ans, était appelé couramment, simplement « le bien-aimé docteur Arnold, » épithète accordée à la mémoire d’un maître et d’un professeur qui avait en lui quelque chose de Royer-Collard et beaucoup de Rollin. Ce nom n’est pas ignoré des lecteurs de la Revue ; ils connaissent également les ingénieuses recherches du père et les