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les indigènes appellent tsétsé (glossima morsitans) ; elle est un peu plus grosse que notre mouche ordinaire et ressemble pour la nuance à l’abeille ; sa piqûre est mortelle pour les bœufs, les chevaux et les chiens, inoffensive pour le veau, le mulet, l’âne, la chèvre, et les animaux sauvages le zèbre, le buffle et l’antilope. L’homme n’en éprouve qu’une démangeaison très supportable. Malgré les précautions prises contre ce danger bien connu, les voyageurs n’en perdirent pas moins quarante-trois bœufs des plus forts.

Après avoir fait de nombreux zigzags et traversé plusieurs ravins pour fuir les tsétsé, Livingstone et ses compagnons arrivèrent sur les bords du Chobé, cours d’eau de première grandeur qui prend sa source à cinq ou six cents kilomètres au nord-ouest et va se perdre dans le Zambèse. Ils le remontèrent pendant une journée et atteignirent Linyanti, ville de sept à huit mille âmes, située sous le 18° 17’ de latitude sud et le 21° 30’ de longitude est, et capitale de l’empire de Sebitouané. Ce chef était alors à Naliele, à près de cent lieues plus au nord. Dès qu’il eut appris l’arrivée du blanc, il se hâta de revenir sur ses pas. Livingstone alla à sa rencontre, et le trouva dans une île du Chobé, entouré de ses principaux officiers, auxquels il donnait une leçon de musique vocale. La mélodie ne blessait pas trop les oreilles. Sebitouané reçut l’Européen avec une grande affabilité, l’assura de sa protection, et l’autorisa à se fixer dans le lieu qui lui paraîtrait le plus agréable. Ce chef appartenait à la famille des Béchouanas et se trouvait alors à 1,500 kilomètres du lieu de sa naissance. Expulsé de son pays par les vicissitudes de la guerre, il était parvenu, à force de persévérance, d’énergie et d’habileté, à fonder une sorte d’empire sur les deux rives du Zambèse. Il mourut d’une fluxion de poitrine peu après son entrevue avec Livingstone, laissant ses états à sa fille Mamokisané. Celle-ci s’empressa de renouveler l’autorisation que son père avait accordée au missionnaire anglais. Il en profita pour s’avancer dans la direction du nord-est, et le 30 juin 1851 il arrivait à Séchéké, ville située sur le bord du Zambèse, sous le 17° 31’ de latitude sud et le 22° 53’ de longitude est. Livingstone corrigeait par cette découverte les cartes portugaises, qui plaçaient plus à l’est les sources de ce fleuve.

Convaincu cependant de l’impossibilité de continuer son voyage d’exploration avec sa famille, Livingstone prend le parti de revenir au Cap, où il l’embarque pour l’Europe. Il passe deux mois dans cette ville moins pour se reposer que pour perfectionner les connaissances astronomiques qui devaient faciliter ses observations. Il était dès lors bien décidé à pousser ses investigations jusqu’au bout dans ces vastes espaces qui l’attiraient invinciblement.

Il se remit en route le 1er juin 1852. En traversant la colonie, il