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anciens états rebelles qui allaient venir frapper au Capitule sous le patronage du président.

Il y avait alors dans le congrès trois partis en présence : les radicaux, guidés dans le sénat par M. Sumner et dans la chambre par M. Thaddeus Stevens, et formant à eux seuls la majorité ; — les républicains modérés, classe moins nombreuse, un peu flottante. et plus voisine des radicaux que de leurs adversaires ; ils semblaient se grouper dans la chambre des représentans autour de M. Raymond, l’ami de M. Seward et le confident de sa politique, dans le sénat, autour de MM. Dixon et Doolittle, qui ne prétendaient pas d’ailleurs au rang de chefs de parti. — Enfin vis-à-vis des républicains de toutes les nuances se tenait toujours la petite armée des démocrates, timide, amoindrie et découragée, mais attendant l’avenir et prête à s’enrôler sous la bannière du président Johnson. Les radicaux arrivaient en séance avec une confiance sans limites dans le succès de la campagne, et tenaient à remporter, dès le premier jour, une victoire éclatante qui humiliât d’une façon signalée la Maison-Blanche. Ils avaient déjà, pour les protéger contre l’invasion des députés du sud, le serment ou test oath voté en 1862 par le congrès, et qui obligeait tous les fonctionnaires civils ou militaires, tous les juges, administrateurs, législateurs des États-Unis, à jurer solennellement qu’ils n’avaient jamais porté les armes contre le gouvernement national, servi en aucune qualité le gouvernement rebelle, ni donné volontairement aucune assistance, aide, conseil ou encouragement à la rébellion. Or les députés du sud pouvaient jurer en bonne conscience qu’ils soutiendraient dorénavant de tout leur pouvoir la constitution et le gouvernement fédéral ; mais ils ne pouvaient sans scandale jurer qu’ils y avaient toujours été fidèles, quand ils avaient pris une part active et publique à la rébellion. Le parjure même le plus impudent ne les aurait pas tirés d’affaire, car l’acte du 2 juillet 1862 déclarait indigne de tout emploi dans le gouvernement des États-Unis la personne convaincue de s’être parjurée. Ce serment rétrospectif était donc un obstacle péremptoire à l’admission des députés du sud, et le premier soin des démocrates à l’ouverture des chambres fut d’en demander la suppression ou l’amendement ; mais les républicains étaient si peu disposés à les écouter qu’ils se hâtèrent d’élever une barrière plus haute encore et plus apparente contre cette nouvelle « invasion des rebelles. »

Le 2 décembre 1865, veille de l’ouverture, ils se rassemblèrent en un grand caucus (tel est le nom bizarre de ces assemblées semi-officielles où les partis s’isolent pour répéter leurs rôles) dans la salle même des séances de la chambre des représentans. Ils y