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assez ferme pour résister aux entraînemens de dépenses, qu’il fasse sérieusement des économies : immédiatement on verra se présenter, pour se disputer ces économies, d’autres intérêts aussi essentiels que celui de l’amortissement, — d’abord celui des contribuables, qui demanderont un dégrèvement d’impôt, et après la surtaxe extraordinaire de 1862 il faut reconnaître qu’ils y auront bien quelque droit, ensuite l’intérêt des grands travaux publics, qui sont loin d’être achevés, même dans les parties les plus utiles. Il est fort à craindre que dans ces conditions l’intérêt de l’amortissement ne passe encore le dernier, comme on l’a vu jusqu’à ce jour. Par conséquent, étant donnée la nécessité de l’amortissement, il n’y a pas, après les garanties politiques dont nous avons parlé tout à l’heure, de moyen plus efficace pour l’assurer que de créer une caisse avec une dotation spéciale. Sans doute on pourra dans l’avenir mettre la main sur la caisse et s’emparer encore des ressources qu’elle possède ; mais la difficulté sera plus grande que s’il n’y a pas de loi du tout pour la protéger. Nous en avons la preuve dans ce qui s’est passé depuis 1848, dans ce qui s’est passé même en 1860, car après avoir amorti en 1859 avec un excédant de recettes, on n’a plus eu d’excédant pour le faire en 1860. Maintenant cette caisse que l’on nous propose d’établir répond-elle bien aux exigences actuelles de la situation ? Est-elle suffisamment efficace ? C’est la dernière question qu’il reste à examiner.

On a vu que jusqu’en 1877 la différence entre les recettes et les charges de la nouvelle caisse d’amortissement ne variera qu’entre 20 et 25 millions, non compris l’aliénation des forêts : c’est bien peu de chose quand on rapproche ce chiffre de celui de la dette publique, qui atteint aujourd’hui 12 milliards ; mais nous avons dans la loi nouvelle l’article qui dit qu’on pourra ajouter à cette dotation les excédans de recettes du budget, s’il y en a. — Par conséquent il dépend du gouvernement et du corps législatif de l’enrichir chaque année en faisant des économies. On en a réalisé pour 25 millions cette année, pourquoi ne ferait-on pas le même effort l’année prochaine ? Et si on ne fait pas le même effort, il est facile au moins de ne pas escompter d’avance la plus-value des impôts. Cette plus-value, jointe aux 20 millions actuels de la nouvelle caisse, donnera déjà une somme assez ronde à consacrer à l’amortissement sans attendre la progression de 1877. Si on arrivait ainsi à obtenir une cinquantaine de millions pour l’amortissement, nous nous estimerions fort heureux, et nous n’en demanderions pas davantage ; mais ces 50 millions, nous sommes loin de les avoir : on nous propose en attendant, pour 1867, d’en affecter d’abord une vingtaine sur les premières économies qu’on a faites, et pour qu’ils ne nous échappent pas et