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toujours s’exécuter, quelles que soient les circonstances, selon les formes qui ont été prescrites à cette même époque ? Ce serait évidemment aller trop loin. On doit s’appliquer avant tout à ne pas léser les intérêts des créanciers de l’état ; on doit examiner si, par les modifications qu’on propose à l’amortissement tel qu’il a été établi, on améliore ou on empire leur situation : si on l’empire, ils ont le droit de se plaindre et de dire qu’on manque à un engagement ; mais si on l’améliore, ils n’ont rien à dire. Qu’ont-ils voulu lorsqu’ils ont prêté à l’état ? Ils ont voulu être toujours assurés du paiement exact de la rente ; ils ont voulu encore qu’on n’affaiblît pas les conditions de solvabilité de leur débiteur. — Si loin de les affaiblir, on les fortifie, ils n’ont pas à se plaindre. On ne leur avait pas promis le remboursement ; on leur avait promis tout au plus que par un rachat de rentes successif on soutiendrait assez le crédit pour qu’ils pussent réaliser facilement ; et convenablement leurs titres le jour où ils en auraient besoin.

Hors de là, l’état est le maître de faire ce qui lui convient, et il peut modifier les conditions de l’amortissement selon les circonstances et selon d’autres intérêts que ceux de ses créanciers ; il faut bien qu’il en soit ainsi, puisqu’à la suite des modifications qui se sont déjà produites, personne n’est venu dire, soit à propos de la loi de 1825, soit à propos de celle de 1833, qu’on manquait à un engagement inviolable. En Angleterre, — dans ce pays du respect par excellence, je ne dis pas des contrats (nous les respectons comme lui), mais des traditions, — on a parfaitement supprimé en 1829, à la suite d’une enquête très approfondie, les conditions anciennes de l’amortissement, et au lieu d’inscrire chaque année au budget une somme considérable pour un amortissement obligatoire, quel que fût l’état des finances, on a décidé qu’on n’amortirait plus qu’avec des excédans de recette. Et encore ces excédans, lorsqu’ils atteignent des proportions considérables, comme on l’a vu ces dernières années, ne sont-ils point tous appliqués au rachat de la dette. M. Gladstone aurait pu racheter 140 ou 150 millions de rentes en 1864 et 1863 ; il a préféré n’en racheter que 75 millions et consacrer le reste à réduire les impôts. En diminuant les impôts chaque année, il a favorisé le développement de la richesse publique de son pays beaucoup plus que s’il avait consacré au rachat de la rente les 150 millions d’économie qu’il aurait pu faire. Or favoriser le développement de la richesse publique, c’est fortifier les conditions de solvabilité de l’état, c’est augmenter le gage de ses créanciers, c’est pratiquer le meilleur des amortissemens. De même pour les travaux publics : lorsque le gouvernement de juillet prenait tous les ans les fonds de l’amortissement pour les consacrer à la création