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rait qu’une surveillance rigoureuse était exercée soit par l’évêque Jean, soit par le gouverneur de Césarée sur les relations de Bethléem avec l’Italie, et qu’on y vivait en quelque sorte bloqué. Cependant le pape, informé de divers côtés que Jean de Jérusalem avait prêté la main à ces violences, si Pélage et lui n’en étaient pas les auteurs directs, lui adressa une remontrance qui malheureusement n’arriva qu’après la mort du coupable. Sous son successeur Praylus, le sort des solitaires s’améliora. Le premier acte du nouveau prélat fut d’interdire à Pélage le séjour de Jérusalem ; toutefois les pélagiens continuèrent à remuer sur plusieurs points de la province. « Catilina est parti de la ville, écrivait Jérôme ; mais ses complices sont demeurés à Joppé avec Lentulus. »

Cette odieuse persécution valut à Jérôme et à ses compagnons l’intérêt de tous les cœurs généreux. Quelques personnes, que des préventions avaient éloignées d’eux auparavant, se rapprochèrent ; dans le nombre furent Mélanie et les siens, qui avaient accepté comme un héritage de famille les rancunes de l’implacable aïeule. Mélanie, Pinianus, Albine, s’étaient abstenus jusqu’alors de fréquenter les couvens de Bethléem ; ils y coururent et restèrent les fidèles amis des persécutés. Cette réconciliation apporta dans les tristesses d’Eustochium et de Jérôme plus d’un éclair de joie. Cependant les scènes terribles qu’ils venaient de traverser eurent sur Eustochium un contre-coup funeste ; sa santé, depuis longtemps affaiblie, déclina rapidement, et il fallut enfin se résigner à la perdre. On ne sait rien sur ses derniers momens, sinon qu’elle expira le 28 septembre de l’année 418, la seizième depuis la mort de sa mère, et que sa fin fut comme l’approche d’un doux sommeil. Elle reçut, ainsi que Paula, la sépulture sous la crypte de Bethléem. Son cercueil y fut déposé dans une chambre tumulaire creusée non loin du sépulcre que Jérôme s’était préparé à lui-même, et qui ne devait pas longtemps attendre.


IV

C’était trop de douleur pour la vieillesse déjà avancée de Jérôme, il ne survécut que de deux ans à cette seconde fille de son cœur. La double vocation d’Eustochium et de Blésille avait été, on s’en souvient, le signal de ses persécutions et de sa gloire. De la chère église domestique où il avait versé si abondamment sa lumière, tout se trouvait éteint, hormis lui seul. Marcella, Asella, Paula, Fabiola, Pammachius, la plupart enfin avaient cessé de vivre, les uns enlevés par les maladies ou l’âge, les autres par la tempête des guerres barbares. Le palais du mont Aventin avait été profané