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a soutenu que le pays ne demande point de réforme électorale, que cette réforme est une vieille idée de lord Russell dont les cabinets et les parlemens portent malgré eux le poids depuis quinze ans, que le projet actuel est le résultat d’une transaction entre lord Russell et M. Bright, qu’avec un parrain tel que M. Bright la réforme ne peut être qu’une arme de guerre employée pour détruire la constitution anglaise et la remplacer par la démocratie pure. Attaqué dès le premier soir avec cette véhémence entraînante, le bill, destiné d’ailleurs à recevoir des coups de toutes parts, ne semble avoir aucune chance d’obtenir une majorité finale dans la chambre des communes. La discussion de cette réforme avortée ne sera, selon toute apparence, que le bruyant prologue d’une crise ministérielle,


E. FORCADE.



ACADÉMIE FRANÇAISE.
RÉCEPTION DE M. PREVOST-PARADOL.

Pour tous ceux qui ont conservé le culte des lettres, le premier intérêt de la fête célébrée l’autre jour sous la coupole du palais Mazarin, non pas le seul intérêt assurément, mais le premier, c’était de voir une noble et sympathique figure gravée par des burins habiles enrichir le musée de l’Académie française : le choix de la compagnie avait chargé M. Prevost-Paradol de dessiner le portrait de M. Ampère, et par une heureuse fortune c’était à M. Guizot d’y mettre la dernière main.

Au désir de saluer le portrait se joignait naturellement la joie de rendre hommage aux deux peintres. Il y avait là en effet un assemblage de noms disposé à souhait pour le plaisir de la pensée. Parmi tant de belles séances qui ont honoré l’Académie depuis une trentaine d’années et qui donnent à cette période de son histoire une physionomie particulière, on en citerait difficilement une seule qui, par le rapprochement des personnes, par le mélange heureux des convenances et des contrastes, fût appelée à offrir un tableau plus aimable. Convenances et contrastes, n’est-ce pas de ces deux élémens que se compose l’attrait des solennités de ce genre ? Quand le hasard y réunit des talens de même nature, les deux discours forment comme une symphonie où les délicats aiment à discerner les nuances, à comparer les voix ; quand ce sont les contrastes qui dominent, on assiste au spectacle amusant de la difficulté vaincue. Quelquefois aussi l’opposition des physionomies amène des changemens de rôle auxquels personne ne devait s’attendre, si bien que l’imprévu peut revendiquer sa part dans ce domaine de la tradition et de la règle. Le jour où M. Victor Hugo, succédant à M. Népomucène Lemercier (il y a de cela un quart de siècle), prononça une sorte de discours politique, auquel M. de Salvandy répliqua par un discours littéraire, ce fut de l’imprévu au premier chef. Lorsque M. Sainte-Beuve, quelques années après, occupa le fauteuil de Casimir Delavigne et