Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 62.djvu/503

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

désormais au progrès commencé suivant les inspirations opportunes qu’ils recevront des pulsations de l’esprit national, des vicissitudes des événemens et des nécessités soudainement révélées et imposées par la force des choses.

En portant ce jugement sur le caractère général de la discussion de l’adresse de cette année, nous courons risque d’être accusés d’optimisme par ceux qui ne veulent tenir compte que des faits acquis, et qui attachent peu de prix à de simples tendances. Nous n’avons point assurément le succès dans les faits. Les idées de l’opposition libérale sont loin aussi, à la vérité, d’avoir conquis une majorité concrète dans le corps législatif. L’opposition ne peut faire sentir son action au gouvernement par des votes victorieux. Elle fait entendre des critiques, elle exprime des vœux, son rôle se borne pour ainsi dire à ébaucher les cahiers des états-généraux de l’avenir. Il serait puéril cependant de ne mesurer qu’à des votes l’influence d’une opposition et la vie intime d’une assemblée représentative. Les questions de succès ou d’échec par les votes ont d’ailleurs peu d’Importance dans la discussion d’un projet d’adresse. Qu’est-ce qu’une variante d’adresse à côté des discours, des chocs d’idées, du travail d’esprit public, que provoquent les textes contestés ? L’adresse de 1866 aura depuis longtemps disparu dans l’éternel oubli qu’on lira encore les grands discours de M. Thiers sur les principes de 1789 et de M. Jules Favre sur la question romaine. La phase de gouvernement représentatif dans laquelle nous passons doit surtout être considérée par nous comme une période de l’éducation politique de la France. Nous ne voulons constater ici qu’une chose, et c’est à nos yeux un sujet de félicitation, cette éducation est en bon train. La vie parlementaire est maintenant ranimée non pas seulement dans l’opposition, mais dans l’ancienne majorité. On le reconnaît aux idées qui se font jour dans les rangs de cette majorité ; par exemple à cet amendement où sont exprimés des vœux modérés en faveur des libertés publiques et qu’ont signé plus de quarante députés, arrivés presque tous à la chambre par la candidature officielle ; on le reconnaît à l’influence qu’exercent sur la chambre les discours des grands orateurs de l’opposition ; on le reconnaît à la part chaque jour plus grande que les députés de la majorité prennent aux débats ; on le reconnaît à la portée des discussions qui s’étendent et s’approfondissent, comme on l’a vu pour la question algérienne et la question agricole ; on le reconnaît à l’attention soutenue que le public prête cette année aux séances du corps législatif ; on le reconnaît aux impressions des représentans du gouvernement auprès de l’assemblée et à l’émulation honorable qu’ils semblent puiser dans ces belles luttes. On voit bien à tous ces signes qu’il y a là quelque chose qui remue, s’agite, se dégrossit, et l’on peut croire sans illusion que l’on assiste à un travail de renouvellement et d’enfantement.

Les questions de politique étrangère et de politique intérieure ont été débattues à propos de l’adresse. C’est surtout dans les questions intérieures que la discussion a pris le caractère de vive application et d’efficacité pratique dont nous sommes frappés. Nous rangeons parmi les affaires