jeta pour gagner la Palestine, où un asile lui fut ouvert dans le couvent d’Eustochium. Cette dame était belle, encore jeune, et ses aventures offraient quelque chose d’étrange. Mariée de bonne heure à un homme qu’elle aimait, elle s’était bientôt retirée de lui, dans un accès de ferveur ascétique, sans dissoudre pourtant leur union. Le mari, qui l’aimait également, n’avait consenti à la séparation qu’avec peine et après de longs débats ; puis, repoussé dans un amour légitime, il s’était laissé aller à des dissipations qui ne l’étaient pas. Sur ces entrefaites arriva le saccagement de leur pays. Artémie voulut fuir, le mari voulut rester ; il devait rester, disait-il, pour vendre les débris de leur patrimoine et n’éprouvait aucune hâte d’aller mourir de faim en terre-sainte. Artémie fut donc seule à partir, et le mari l’oublia. Ses lettres restèrent sans réponse ; les instances de ses amis n’eurent pas plus de succès. Hébidie, qui était sa proche parente, écrivit alors à Jérôme pour qu’il les aidât à ramener cet époux infidèle. Jérôme trouva l’affaire délicate ; ce qui le choquait le plus, il faut bien le dire, ce n’était pas une rupture de mariage qui avait pour effet l’entrée d’un des conjoints dans la vie religieuse, c’était la violation d’un vœu de continence mutuelle, car il ne soupçonnait que trop la conduite de l’autre. Il écrivit donc au mari, qui se nommait, à ce qu’on croit, Rusticus, l’engageant à venir rejoindre sa femme en Palestine ou à faire pénitence : on ne sait si la pénitence se fit, mais Rusticus ne parut point à Bethléem.
Les désastres publics développaient, avec l’incertitude de la vie, une passion de jouissances fiévreuses, précipitées, qui n’épargnait pas plus le chrétien que le païen ou l’incrédule. Si les décurions épicuriens de la cité de Trêves attendaient l’assaut de leur ville à table et couronnés de roses pour le cynique plaisir d’être égorgés au milieu des coupes, l’église offrait des spectacles qui n’étaient guère moins lamentables. On voyait des chrétiens, jusqu’alors honnêtes, rompre subitement tout devoir, toute règle, et vouloir, comme des insensés, goûter au moins le mal avant de périr. Une veuve et sa fille demeuraient ensemble dans une ville de la Narbonnaise et n’avaient jamais donné que de bons exemples. La mère, tout à coup jetant bas ses pratiques de veuvage, prend les allures d’une coquette surannée, court les réunions, les bains, les théâtres, et provoque les jeunes gens par ses airs ; elle installe même chez elle un ecclésiastique qu’elle veut faire passer pour son intendant, mais que le public qualifie d’un autre titre. Sous le prétexte d’échapper à ces scandales, la fille, qui avait fait vœu de virginité comme la mère de viduité, quitte la maison maternelle et s’enfuit avec un jeune lecteur de leur église. Elle avait un frère moine dans un des couvens de la province. Vainement essaya-t-il de ramener sa sœur et sa