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plan de dépossession du parti impérial, très bien conçu, mais mal poursuivi, était compromis par la faute de chacun des confédérés. François Ier n’avait pas assez vite rempli ses engagemens ; le duc d’Urbin, au nom des Vénitiens, avait trop timidement agi ; le pape avait eu d’abord trop peu de prévoyance, puis trop de peur ; il s’était laissé trop facilement tromper, désarmer, surprendre.

Après avoir atteint son but, Ugo de Moncada annonçait à. Charles-Quint, dont il avait suivi les volontés, tout ce qui s’était fait dans Rome, et l’engageait à en montrer beaucoup d’indignation et de douleur. Charles-Quint recueillerait ainsi les profits de la violence, sans en encourir les blâmes. « Il me paraît[1], lui disait Ugo de Moncada, que votre majesté doit témoigner un grand ressentiment de ce qui est arrivé en cette rencontre à sa sainteté, ainsi que du sac du palais pontifical. Elle doit largement satisfaire, à ce sujet, le nonce par ses paroles et le pape par ses lettres, de manière que sa sainteté reçoive quelque contentement dans sa peine, ainsi que le collège des cardinaux. Il serait bon également que votre majesté donnât quelque excuse aux princes chrétiens de ce qui est arrivé ici, et assurât que cela a été contraire à son intention et à sa volonté, faisant éclater ses sentimens de telle façon que tout le monde les connaisse. »

L’empereur n’y manqua point. Il venait de répondre[2] avec la dernière vivacité au bref hostile que lui avait naguère adressé le pape. Dépouillant même dans sa lettre les formes respectueuses et filiales que les princes employaient d’ordinaire envers le souverain pontife, il le tutoyait comme il en avait été tutoyé. Il lui rappelait ses bienfaits, qu’il l’accusait d’avoir payés d’ingratitude. « Tu ne peux pas ignorer, lui disait-il, que c’est par mon intercession et avec mon aide que tu as été fait pape[3]. » Il lui reprochait d’avoir comploté contre lui, de s’être allié avec le roi de France pour le déposséder de ses états. « Tu m’as fait la guerre, ajoutait-il, avant que je reçusse les lettres par lesquelles tu me la déclares. Tu as songé non pas seulement à m’expulser de l’Italie, mais à me dépouiller de la dignité impériale. J’ai pu l’apprendre par les lettres

  1. « Asimesmo me paresce que V. Mad deve mostrar mucho sentimiento de lo acaescido a su santidad en esta jornada, y asi del saco del palatio, satisfaziendo en ello muy largamente a su nuntio y scriviendo a su santidad de manera que se le de alguna satisfattion a su travajo. Y asimesmo al colegio y tambyen seria bien aya de satisfazer y dar alguna rrazon a los principes christianos de lo acaescido aqui quan contrario ha sido de su yntencion y voluntad, y mostrado V. M. por si este sentimiento de tal manera que a todos sea publica. » — Lettre de Ugo de Moncada à l’empereur, de Rome le 24 septembre 1526. — Archives impériales et royales de Vienne.
  2. Cette réponse est du 18 septembre 1526. — Lanz, t. Ier, p. 219-221.
  3. « Nam enim ignorare potes, et intercessione mea auxilioque te factum esse pontificem. » Ibid., p. 219.