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dit-il, quand il fut possible de le faire presque en sûreté. A mesure que je m’avançai vers le Forum, l’horreur, le silence, la solitude, l’infection, les cadavres çà et là étendus et fétides me glacèrent d’épouvante. Les maisons étaient ouvertes, les portes abattues, les boutiques vides, et dans les rues désertes on ne voyait courir que quelques farouches soldats[1]. »

Pendant tout ce temps, Clément VII restait enfermé dans le château Saint-Ange avec la plupart des cardinaux, beaucoup de prélats, les ambassadeurs des états confédérés, un grand nombre de nobles romains, de marchands et même de femmes. Il y attendait d’être secouru par les troupes de la ligue. S’il avait été bien inspiré dans les craintes qui ne l’abandonnaient pas, il serait sorti de Rome avant que l’ennemi y entrât et même lorsque l’ennemi y avait déjà pénétré. La rive gauche du Tibre était et demeura libre durant plusieurs jours. Clément VII aurait pu aller au-devant de Guido Rangone, qui s’était détaché des troupes confédérées pour marcher avec un corps assez considérable au secours de la ville pontificale. Il aurait même pu se rendre au milieu de l’armée de la ligue, qui se dirigeait vers Rome avec la lenteur circonspecte que le duc d’Urbin mettait dans ses résolutions toujours tardives et dans ses mouvemens toujours incertains. Les impériaux auraient pris Rome, mais ils n’auraient pas pris le pape : ils ne lui auraient pas fait subir l’outrage d’une longue captivité et ne lui auraient pas imposé avec une rançon excessive les conditions accablantes d’une paix honteuse ; mais ce malheureux pape, qui aurait eu de la clairvoyance s’il n’avait pas manqué de caractère, dont la timidité obscurcissait toujours l’esprit, ne faisait rien à propos, parce qu’il faisait tout avec trouble. Il délibérait quand il fallait agir, cédait lorsqu’il était nécessaire de résister, demeurait quand il aurait dû fuir. Il resta cette fois avec la fausse espérance d’abord que la ville se défendrait, ensuite qu’il serait secouru dans le château.

Le 7 mai au soir, lendemain de la prise de Rome, Guido Rangone arriva au pont de Salara avec ses chevau-légers et 800 arquebusiers. En apprenant que l’armée impériale occupait Rome, il se retira à Otricoli, où son infanterie le rejoignit[2]. Dans la terreur que les Espagnols et les Allemands inspiraient aux Italiens, il n’osa rien entreprendre avec son petit corps d’armée. Il ne tenta même point de pénétrer dans le château Saint-Ange, dont l’accès était libre, les impériaux ne l’ayant pas encore cerné. Le duc d’Urbin ne fut pas pour Clément VII d’une plus grande assistance. L’armée de la ligue était partie de Florence le 3 mai en se divisant. Le

  1. Grolier, p. 89.
  2. F. Guiccinrdini, Istoria d’Italia, lib. XVIII.