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Ce fut dans la matinée que le Borgo fut pris et que le pape s’enferma au château Saint-Ange. De cette forteresse imprenable, où se réfugièrent avec lui la plupart des cardinaux, le comte de Carpi, ambassadeur de François Ier, le dataire Giberto, l’archevêque de Capoue Schomberg, beaucoup de prélats, et tous ceux qui dans ce moment de terreur y cherchèrent un asile, Clément VII, selon son habitude, voulait déjà traiter avec les vainqueurs[1]. Le seigneur de Langey essaya de le détourner d’une négociation aussi prématurée en lui représentant que le duc de Bourbon était mort, et que les impériaux, restés sans chef, devenaient moins à craindre. Renzo da Ceri et Guillaume du Bellay, qui était à la tête d’une petite et vaillante troupe de gentilshommes français, crurent que, même après l’évacuation du Borgo, on pourrait empêcher les impériaux non-seulement de franchir la rive droite du Tibre, mais aussi de se rendre maîtres du Trastevere, et donner par une résistance prolongée à l’armée de la ligue, déjà en marche, le temps d’approcher.

Ils se rendirent au Capitole[2], où les Romains étaient assemblés. Comme capitaine-général, Renzo proposa aux Romains de mettre leur ville à l’abri d’une invasion en empêchant les Colonna, qui venaient du sud, d’y entrer par la porte de Saint-Jean-de-Latran, qu’il avait fait barricader, et en coupant les deux ponts Sixto et Capi, lorsqu’il défendrait lui-même le Trastevere avec les soldats qui restaient et qui, perdant tout moyen de fuir, ne trouveraient plus leur salut que dans une résistance désespérée et victorieuse ; mais les Romains ne consentirent point à repousser les Colonna, qui, disaient-ils, étaient leurs concitoyens, et ils refusèrent de sacrifier leurs ponts, trop beaux, selon eux, pour être rompus[3]. Seulement les milices urbaines, sous leurs caporioni, se joignirent, mais avec peu de confiance, aux débris des troupes sans ardeur de Renzo da Ceri dans le Trastevere menacé.

Le jour était assez avancé lorsque l’armée impériale[4], commandée par le prince d’Orange, l’investit et l’attaqua. Elle se posta sur les pentes du Janicule, plantées d’arbustes serrés et entrelacés

  1. « Cependant le pape parlementait de se rendre. » Lettre de Guillaume du Bellay.
  2. « Le seigneur Rence alla au Capitole, où s’assemble le conseil, et me mena avecques luy. » Ibid.
  3. « Il leur sembla trop gros dommage de rompre si beaux pons ; de reffuser la porte aux Colonnois citadins romains ne leur sembla chose honneste. » Lettre de Guillaume du Bellay.
  4. « Cum non amplius quam duæ diei horœ superessent, ancipitem oppugnationem instituunt. » Historia expugnatœ et direptœ urbis Romœ per exercitum Caroli V imp., etc., Cæsare Groliero Lugdunensi auctore ; Parisiis, 1637, in-4o, p. 70. Grolier était dans Rome au moment du siège et du sac.