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successives à livrer et comme trois sièges à faire pour s’emparer de Rome.

Le soir même du dimanche où il parut sous ses murs, l’impétueux duc de Bourbon voulait monter à l’assaut. Il réunit ses capitaines, et, leur rappelant la situation extrême où l’armée se trouvait réduite, sans vivres pour subsister deux jours, sans munitions même pour combattre longtemps, il leur dit qu’il ne restait qu’à enlever Rome par une agression hardie, qu’il ne fallait pas laisser au pape et au peuple romain le temps de se reconnaître et de faire échouer une entreprise qui avait besoin pour réussir d’être brusquée, qu’en attaquant la ville sans retard on l’emporterait sans peine, tandis que tout délai permettrait d’accroître les précautions, de remonter les courages, et pourrait rendre le succès incertain[1].

Il ne parvint pas cependant à les y décider tout de suite. Ses bandes fatiguées demandèrent un peu de repos. Elles dressèrent leur camp de la porte Saint-Pancrace à la porte Santo-Spirito, et l’escalade de Rome fut renvoyée au lendemain. On passa la nuit à préparer des échelles, à mettre les arquebuses en bon état, à disposer les piques et les glaives. Toute l’armée comprenait l’impérieuse nécessité où elle était de prendre Rome. Outre qu’elle y frapperait au cœur la puissance des ennemis de l’empereur, le duc de Bourbon lui avait dit qu’elle y trouverait le repos après ses longues fatigues, l’abondance pour se remettre de ses rudes privations, et bien au-delà de sa solde arriérée dans le pillage de la ville la plus opulente de l’univers, tandis qu’un échec l’exposerait à la honte, à la faim, à la ruine. Le général et l’armée de Charles-Quint étaient en effet perdus, s’ils ne forçaient pas Rome.


VII

Le lundi de grand matin, tout étant prêt, les troupes se mirent en mouvement et se dirigèrent vers le Borgo[2], dont les remparts, placés sur les pentes du mont Vatican, étaient moins hauts et semblaient plus accessibles. C’était là que devait se porter le premier et le plus grand effort des lansquenets comme des Espagnols. Le duc de Bourbon à cheval, la mine altière, respirant l’audace et la communiquant, s’avançait à la tête de bandes qui le reconnaissaient à la casaque blanche jetée sur sa cuirasse et le suivaient

  1. Il sacco di Roma, da Guicciardini, p. 158-159.
  2. « Le lendemain matin avant jour tirèrent vers le Bourg. » Lettre de Guillaume du Bellay. — Il sacco di Roma, da Guicciardini, p. 177-178.