Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 62.djvu/38

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quartier de Saint-Pierre. Elles se précipitèrent dans le palais pontifical, qui fut pillé, et mirent à sac les demeures de plusieurs cardinaux. Le pillage dura tout le reste du jour. Le lendemain, le commandeur espagnol Aguilar se présenta devant Clément VII et vint lui signifier insolemment, de la part de ses ennemis, qu’il fallait rendre le château et le remettre entre leurs mains. Clément VII lui répondit « qu’il était pape et voulait mourir en pape, qu’il était d’ailleurs encore d’âge à prendre une pique en main et à se défendre sur la muraille aussi bien que soldat qu’il eût[1]. » Toutes ces fières résolutions tombèrent bientôt. Ugo de Moncada entra, dès le second jour, en pourparlers avec le souverain pontife outragé et assiégé. Ayant reçu pour otages deux neveux du pape, les cardinaux Cibo et Ridolfi, il alla négocier une trêve dans le château Saint-Ange[2]. Cette trêve conclue entre le pape et l’empereur devait durer quatre mois et n’être rompue ensuite que deux mois après avoir été dénoncée. L’état ecclésiastique, le royaume de Naples, le duché de Milan, la république de Gênes, celle de Florence, celle de Sienne, le duc de Ferrare, tous les vassaux immédiats ou médiats du saint-siège y étaient compris. Le pape s’obligeait à retirer les troupes qu’il avait auprès de Milan, les galères qu’il entretenait devant Gênes, à pardonner aux Colonna, qui de leur côté retireraient leurs gens de Rome et de l’état ecclésiastique et les renverraient dans le royaume de Naples. Le pape devait donner, en garantie de l’exécution de ses engagemens, Filippo Strôzzi et l’un des fils de Jacobo Salviati, tous les deux ses parens[3].


VII

L’habile exécuteur des projets de l’empereur, don Ugo de Moncada, était arrivé à ses fins. Par un accord trompeur, il avait désarmé le pape ; au milieu d’une trêve perfidement obtenue et violemment arrachée, il avait affaibli la ligue franco-italienne. Il enlevait à celle-ci les troupes du pape et rendait par là beaucoup plus difficile la délivrance de la Haute-Italie, qu’auraient pu entreprendre, après la prise de Crémone, les confédérés, renforcés alors par tous les bataillons suisses et qu’avait déjà joints le marquis de Saluces avec 500 lances et 4,000 fantassins fournis par François Ier. Il enlevait aussi les navires pontificaux à la flotte de la ligue, qui, ayant reçu les galères de France, avait pris Savone, occupait Portofino et bloquait Gênes avec l’espérance de l’obliger à se rendre. Le

  1. Lettre de Nicolas Raince au grand-maître maréchal de Montmorency, de Rome le 30 septembre 1526. — Mss. Béthune, vol. 8509, f. 75.
  2. Lettre de Girolamo Negro, Lettere di principi, t. Ier, p. 235, v°.
  3. Guicc., lib. XVII.