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de prompts secours qu’il adressa également aux Vénitiens[1]. En attendant ce secours, qui ne pouvait être que tardif, il ne prit aucune mesure pour se défendre contre le danger qui le menaçait.

Le duc de Bourbon, n’ayant pu se jeter sur Florence, mise à couvert de son agression par l’approche des troupes confédérées, n’avait plus songé qu’à s’emparer de Rome. Quittant tout d’un coup sa position de San-Giovanni, il sortit du val d’Arno, prit à gauche par le val d’Ambra[2], se dirigea vers le territoire de Sienne, où des vivres avaient été offerts à l’armée impériale, et, suivant la route la plus directe, il s’avança à marches forcées du côté de la ville pontificale. Il compta sur la rapidité de ses mouvemens pour la surprendre et l’audace de son attaque pour l’enlever. Sa célérité fut extraordinaire. Le 1er mai, il passa de Ponte à Centino, confins du Siennois, sur les terres de l’église, et fit de quinze à vingt milles par jour. Aucune difficulté ne fut capable d’arrêter ce téméraire capitaine conduisant des soldats avides et infatigables. Arrivé sur les bords de la Paglia, il fallut passer à gué cette rivière, qui lui barrait le chemin, et qui, extrêmement grossie par les pluies, roulait des eaux rapides et hautes. Il en rompit le courant à l’aide de sa cavalerie et la fit traverser un peu plus bas à l’infanterie, rangée par files de 30 à 50 hommes de profondeur, tenant leurs bras entrelacés pour opposer une masse plus forte à l’impétuosité de la rivière et y mieux résister[3]. Les gens de pied, ayant de l’eau jusqu’à la bouche et battus par le courant, qui en entraîna quelques-uns, passèrent ainsi sur l’autre bord. Laissant derrière lui Aquapendente, le duc de Bourbon parut sous Viterbe, saccagea Montefiascone et Ronciglione, qui lui avaient refusé le passage et des vivres[4], et le dimanche 5 mai il arriva sur le Monte-Mario, en face de Rome, qui se déployait aux yeux de son armée sur les deux rives du Tibre.

Clément VII était renfermé dans le palais du Vatican et avait très mal pourvu à la défense de la ville menacée. Après être rentré dans la ligue et s’être exposé aux inévitables attaques d’un ennemi sans scrupule et d’une armée sans frein, il n’avait pas repris avec résolution les armes qu’il avait déposées avec tant de promptitude. Quoiqu’il fût obéré, il lui eût été facile de lever et de payer des

  1. Lettre de John Russell à Henri VIII, écrite de Savone le 11 mai. — State Papers, t. VI, p. 577.
  2. « La quale confederatione (la rentrée de Florence dans la ligue) conclusa, venne nuova come il duca di Borbone aveva declinato il camino a man sinistra per la val d’Ambra, verso il senese ; onde fu giudicato ch’egli andasse in diligenza verso Roma. » Marco Foscari, dans Alberi, p. 54-55.
  3. Il sacco di Roma, da Guicciardini, p. 153-154 de l’édition in-32, Parigi, M.D.CLXIV.
  4. Ibid., p. 154.