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s’étaient portés en tumulte devant la tente du duc de Bourbon, demandant leur solde, et ils auraient tué le duc, dont ils pillèrent la demeure, s’il ne s’était pas dérobé par la fuite à leurs violences[1]. Il était allé chercher un asile dans le quartier des lansquenets, auprès de George Frondsberg ; mais les Allemands eux-mêmes n’avaient pas tardé à suivre l’exemple des Espagnols, et ils s’étaient soulevés à leur tour, en criant : Lanz ! lanz ! de l’argent ! de l’argent ! — George Frondsberg s’efforça en vain de les apaiser. Il les appela ses enfans, les supplia de continuer à servir l’empereur avec docilité et d’attendre patiemment que leur solde, qu’ils recevraient bientôt, pût être payée. Sa voix, jusque-là si obéie, ne fut pas écoutée, et le vieux capitaine, surpris de cette résistance inaccoutumée de ses fidèles lansquenets, fut frappé d’apoplexie en les haranguant. La parole lui manqua tout d’un coup, et il tomba affaissé sur un tambour[2]. Ses Allemands consternés le transportèrent dans son logis, d’où il fut conduit à Ferrare afin d’y recevoir des soins qui ne le sauvèrent pas.

Pour apaiser cette sédition militaire, il fallut contenter les soldats et composer avec eux. A l’aide d’un petit emprunt fait au duc de Ferrare, il leur fut donné un ducat par homme, et le duc de Bourbon laissa espérer à l’armée le riche pillage de Florence et de Rome comme complément de solde[3]. Le tumulte était à peine apaisé, Frondsberg était mort, et les bandes impériales, replacées sous les ordres du duc de Bourbon, mais suivant la direction de douze élus qu’elles avaient nommés pour veiller à leurs intérêts, étaient prêtes à se jeter sur l’Italie centrale, lorsque Feramosca arriva au milieu d’elles. Il apportait la trêve destinée à arrêter leur marche et l’annonce de 60,000 ducats qui ne pouvaient ni suffire à leurs besoins ni correspondre à leurs exigences. Aussi des murmures s’élevèrent tout d’abord contre lui dans le camp irrité[4]. Le duc de Bourbon, à qui l’envoyé de Lannoy montra des

  1. « J’y fus et le trouvai au camp de Saint-Jean, où ils étoient restés quelques jours faute de vivres, de grandes pluyes et neiges qui étoient tombées, et à deffaut d’argent, à cause de quoi les gens s’étoient mutinés et avoient entouré la maison de Bourbon, lequel s’absentoit une nuit hors du camp. » Lettre de Feramosca à l’empereur, du 4 avril 1527. Lanz, t. Ier, p. 231. — « Essendo a questi di seguito in quel campo un’ammutinamento si grande che gli fu sacchagiato l’allogiamento da monsignor di Borbone et morto un suo gentilhuomo. » Lettre du 21 mars, du dataire Giberto au cardinal Trivulzio. Lettere di Principi, t. II, p. 66 r°.
  2. Adam Reissner, Historie der Frundsberge, bl. 98. — George von Frundsberg oder das deutsche Kriegshandwert zur Zeit reformation, par le Dr F. W. Barthold, in-8o, Hambourg, 1833, p. 411-415.
  3. « On composa en donnant un écu par homme et en leur promettant la loix de Mahomet. » Lettre de Feramosca du 4 avril. — Lanz, p. 231.
  4. « Comme j’arrivai avec la paix, ils parurent furieux comme des lions. » Même lettre, ibid., p. 231.