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Rome, les Colonna réunirent leurs forces, qu’ils tirèrent de leurs seigneuries ou qu’ils reçurent du royaume de Naples. Le perfide Vespasiano, qui avait conclu l’accord avec le pape, le vindicatif et ambitieux cardinal Pompeio, qui espérait remplacer sur le trône pontifical Jules de Médicis, s’il était tué dans le tumulte, le violent Ascanio, l’astucieux Moncada, l’instigateur du complot, se mirent à la tête de cette petite armée, marchèrent sans s’arrêter et arrivèrent à l’improviste sous les murailles de Rome dans la nuit du 20 septembre. Ils s’emparèrent de la porte de Saint-Jean-de-Latran et pénétrèrent dans la ville de ce côté[1].

Au jour, informé de leur entrée dans Rome, de leur prise de possession du quartier Colonna, de leur irruption dans la plupart des quartiers de la rive gauche du Tibre, et de leur marche imminente vers le Borgo, dont les abords n’étaient défendus que par quelques soldats et où se trouvaient le palais du Vatican et l’église de Saint-Pierre, le pape assembla précipitamment les cardinaux pour délibérer sur ce qu’il y avait à faire dans un cas si inattendu et un péril si pressant. On résolut de convoquer le peuple au Capitole et d’envoyer vers les Colonna pour leur demander ce qu’ils prétendaient après l’accord solennel récemment conclu entre eux et le souverain pontife. Les cardinaux Campeggio et Cesarini furent dépêchés auprès du peuple romain, qui ne parut pas disposé à défendre le pape, tandis que les cardinaux Della Valle et Cibo allèrent vers les Colonna, qui ne voulurent pas même les entendre[2]. N’ayant à recevoir aucun secours du peuple romain, qui assistait froidement à ce qui se passait, n’espérant aucune miséricorde des Colonna, qui, après avoir fait et enfreint un accord pour se venger et s’élever, étaient prêts à toutes les violences, Clément VII songea d’abord à se revêtir des habits pontificaux, à se placer sur le siège apostolique, pour attendre en pape Ascanio et Vespasiano comme son prédécesseur Boniface VIII y avait attendu Sciarra Colonna deux siècles auparavant[3] ; mais, pouvant se dérober aux outrages et aux emportemens d’ennemis sans retenue comme sans foi, il fut persuadé de se retirer dans le château Saint-Ange. Il quitta le palais pontifical avec la plupart des cardinaux et se réfugia dans cette forteresse, qui lui offrait le moyen de se défendre, mais qui ne contenait pas les approvisionnemens nécessaires pour lui permettre de s’y maintenir longtemps.

Lorsqu’il y arriva, les troupes des Colonna avaient déjà forcé la porte de Santo-Spirito, qui ouvrait au-delà du Tibre le Borgo et le

  1. Lettre de Girolamo Negro, Lettere di principi, t. Ier, p. 234.
  2. Ibid.
  3. Guicc, lib. XVII.