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état de fournir, le duc de Bourbon tira, comme il le dit, jusqu’au sang[1] de la ville de Milan ; il lui arracha 30,000 écus de plus. Il contraignit Morone, enfermé dans la forteresse de Trezzo, à payer 20,000 ducats[2] comme prix de son pardon, le menaçant, s’il n’acquittait pas cette taxe, de le faire décapiter. Morone souscrivit la somme afin d’échapper à la mort. Chancelier du duc Sforza, il devint pour surcroît d’infortune secrétaire du duc de Bourbon, et après avoir conspiré en faveur de l’indépendance italienne il se fit le conseiller de celui qui travaillait à mettre toute l’Italie sous le joug de l’empereur. L’argent ainsi obtenu ne suffisant pas à compter aux troupes les paies qu’elles exigeaient pour entrer en campagne, le duc de Bourbon, le marquis del Guasto, Antonio de Leyva et d’autres capitaines engagèrent leurs joyaux, leurs bagues, leurs chaînes d’or. « De cette manière, écrivit le duc à l’empereur, nous avons trouvé 20,000 écus, avec lesquels nous avons eu le supplément pour les deux paies[3]. »

Il ne commença à sortir de Milan que le 2 janvier 1527. Il laissa le commandement de la ville à Antonio de Leyva, qui garda, pour la contenir et la défendre, Gaspard de Frondsberg, fils de George, avec 2,000 lansquenets, et le comte Ludovico de Belgiojoso, entré depuis peu au service de Charles-Quint, avec 1,500 Italiens. La jonction des Espagnols et des Allemands se fit avec beaucoup de lenteur. Le 9 février, le duc de Bourbon passa la Trebbia et se réunit ensuite à Frondsberg. Avant de mettre en mouvement ses bandes résolues et nécessiteuses, il écrivit à l’empereur pour l’instruire de leurs valeureuses dispositions en même temps que de leurs impérieux besoins. Il lui disait que les chevau-légers n’avaient reçu aucune paie, que les 13,000 lansquenets de Frondsberg n’en avaient touché qu’une seule, et qu’ils avaient à réclamer plus de 100,000 écus. Il le suppliait de fournir au plus tôt à l’armée maintenant en campagne ce qui lui était dû, parce qu’elle serait sans cela exposée à mourir de faim. « Nous autres, ajoutait-il, ne

  1. Charles de Bourbon à l’empereur, lettre du 8 février 1527. — Archives impériales et royales de Vienne.
  2. « E veggo non basta, lui écrivit Charles de Bourbon, la pregiono in che voi sete, me risolvo advisarvi che sono senza danari e che se farete quello che il mio messo ve dira, ve ne troverete bene, altrimente sara peggio per voi essendo pronto a farvi cose che vi dispiaceranno molto e a me anchora. » Et la lettre de Marcus de Buxeto dans laquelle il est dit : « Li giorni passati instarono il Morone che facesse la talia, e lui diceva non aver danari : li fu detto per il capitano di justitia che si dovesse confessare che li doveva esser taliato il capo… in quel punto fu addomandato il ceppo fosse portato… per evitare il ceppo fu conclusa la talia in 20 mila. » Ricordi inedite di Girolamo Morone, etc., publicati dal C. Tullio Dandolo, p. 205 et 208.
  3. Charles de Bourbon à l’empereur, lettre du 8 février 1527. — Archives impériales et royales de Vienne.