Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 62.djvu/359

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il affaiblissait les confédérés en les séparant au moment même où les impériaux cherchaient à se fortifier en se concentrant.

Arrivé le 21 novembre à Sonzino sur l’Oglio, le duc d’Urbin s’avança vers les terres du Mantouan, où les bandes de Frondsberg se trouvaient déjà engagées. Les lansquenets, parvenus le 22 à Rivolta, près du Mincio, s’étaient dirigés du côté de Borgoforte pour se rapprocher du Pô. Ils étaient encore le 24 dans ce lieu, où ils reçurent par le fleuve quatre fauconneaux que le duc de Ferrare leur avait envoyés. Le duc d’Urbin joignit à Borgoforte la queue des lansquenets, dont la tête cheminait le long du Pô, et Jean de Médicis l’attaqua hardiment avec ses chevau-légers. Pendant cette escarmouche, un coup de fauconneau atteignit Jean de Médicis et lui cassa la jambe un peu au-dessus de la cheville. Il fut transporté à Mantoue, où la jambe lui fut coupée et où succomba bientôt cet intrépide capitaine, emportant les regrets de son pays, dont il était l’honneur et dont il avait l’admiration. Sa mort parut aux Italiens comme le signal de la ruine de l’Italie[1].

Dès ce moment, le prudent duc d’Urbin se retira à Mantoue, sous le prétexte d’aller y attendre les ordres du sénat de Venise, et il ne suivit même plus les lansquenets. Ceux-ci passèrent tranquillement le Pô à Ostia et se dirigèrent du côté de Plaisance. Sans rencontrer d’autre obstacle que des terrains montueux et des torrens grossis par les pluies, ils traversèrent l’Italie dans une partie de sa largeur, franchirent la Secchia, l’Enza, la Parma, le Taro, qui tombent dans le Pô, et vers la mi-décembre ils arrivèrent non loin de Plaisance, à Borgo-di-Sandonino, à Firenzuela et Castello-Arquia, où ils s’établirent.

Parvenu sans être inquiété dans le voisinage du Milanais, Frondsberg écrivit au duc de Bourbon de venir le joindre ; mais le duc de Bourbon, qui attendait les lansquenets avec tant d’impatience et qui projetait en s’unissant à eux de soumettre l’Italie à l’empereur, ne pouvait pas se mouvoir faute d’argent. Les 200,000 ducats qu’il avait reçus de l’empereur n’avaient pas suffi à la solde fort arriérée des troupes et à leur entretien pendant cinq mois. Il ne restait pas un ducat au duc de Bourbon, et sa petite armée refusait d’entrer en campagne avant qu’on lui eût donné ce qui lui était dû. Elle en était arrivée à ce point d’indiscipline tout en conservant sa bravoure et de désobéissance tout en se maintenant dans sa fidélité, qu’il était impossible de lui commander sans la contenter et de la faire marcher sans la payer. Pour se procurer l’argent que l’empereur n’avait pas pu envoyer et que le pays épuisé ne semblait plus en

  1. « Si mori con gran dolore universale et grandissimo danno nostro. » Lettre du dataire Giberto au protonotaire Gambara, nonce du pape en Angleterre, du 7 déc. — Lettere di principi, t. II, p. 21 r°.