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entre les possessions continentales de la république de Venise et les états du pape, et dont l’assistance ne serait pas d’une petite utilité pour ses généraux et pour ses troupes, qui recevraient de lui des conseils, des renforts et des approvisionnemens.

Alphonse d’Este, duc de Ferrare, était le plus changeant des princes, parce qu’il en était le plus intéressé. Il passait d’une alliance à l’autre sans scrupule comme sans hésitation, cherchant et trouvant des avantages dans ses diverses infidélités. En toute rencontre, il ne suivait que les conseils de ses craintes prévoyantes ou les calculs de son avidité ambitieuse. Feudataire du saint-siège, il s’était agrandi aux dépens de l’église romaine. Il avait pris récemment Rubiera et Reggio, et il convoitait Modène. Depuis quelque temps en négociation avec Clément VII et avec Charles-Quint, il se montrait disposé à embrasser le parti de celui qui lui accorderait le plus. Tandis qu’Alphonse demandait au pape la cession de Rubiera, de Reggio et de Modène, l’empereur lui en offrait l’investiture, lui donnait le comté confisqué de Carpi, lui conférait de plus le titre de son capitaine-général en Italie et lui proposait le mariage futur de sa fille naturelle Marguerite avec Hercule d’Este, né de l’union du duc avec Lucrèce Borgia, fille naturelle d’Alexandre VI[1]. Clément VII hésitait, Charles-Quint pressait, le duc de Ferrare se décida : il se sépara de la cause italienne et il embrassa la cause impériale. Le pape s’étant, après un long retard, résigné à lui concéder ce qu’il demandait et ayant chargé son lieutenant Francesco Guicciardini d’aller conclure avec le duc à Ferrare, le duc fit dire au délégué pontifical, déjà parvenu de Parme à Cento, qu’il n’était plus temps, parce que son traité était déjà signé avec l’empereur[2].

Ne se bornant point à préparer des renforts considérables pour ses troupes, à gagner dans la Haute-Italie un auxiliaire aussi utile que le duc de Ferrare, Charles-Quint recevait un envoyé de la cour de France chargé de lui faire de pacifiques ouvertures. Il avait l’intention de rendre par là François Ier suspect à ses confédérés[3], et il donnait pour instruction à Lannoy de mettre tout en

  1. «… Par l’investiture que luy avons donnée et l’hommage qu’il nous a fait fere par son ambassadeur, comme par le mariage de nostre bastarde que luy avons acordé et stipullé…, il fauldra de nécessité qu’il se déclare pour nous et qu’il se rende entièrement suspect au pape. » Lettre de l’empereur au duc de Bourbon, de Grenade, le 8 octobre 1526. — Archives impériales et royales de Vienne.
  2. Guicciardini, Istoria d’Italia, lib. XVII.
  3. « De France ils envoient icy monsieur Danjoy pour parler d’appointement. Je suis bien adverty que ce ne sont que belles paroles et je leur rendray le semblable. J’ay consenti que le sieur Danjay vienne vers moy, quand ce ne seroit synon pour, par cela, donner soupeçons aux Italiens, Pape et Vénitiens, et leur bailler jalousie de se deslyer. » Lettre de l’empereur du 8 octobre 1526.