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mois de février (1526), jour de saint Mathias, où il obtint la victoire sur l’armée française et où fut pris le roi très chrétien. Il est de stature ordinaire, ni grand ni petit ; son teint est blanc, et plutôt pâle que coloré. Il a le nez un peu aquilin, les yeux gris, le menton trop avancé, l’aspect grave, sans être dur ni sévère. Son corps est bien proportionné, sa jambe très belle, son bras fort, et dans les joutes d’armes comme dans les courses de bagues il est aussi adroit que quelque cavalier de sa cour que ce soit[1]. »

Après avoir dit que le jeune et grave empereur était d’une complexion et d’un caractère mélancoliques, très religieux, fort juste, étranger aux plaisirs qui entraînent les hommes de son âge se donnant quelquefois, mais rarement, la distraction de la chasse, peu affable, plutôt avare que libéral, ne parlant guère, ne s’exaltant pas dans la prospérité, ne se laissant point abattre par l’adversité et ressentant plus la tristesse que la joie, Contarini le montre sans cesse occupé du gouvernement de ses pays et de la conduite de ses affaires. « Il se plaît, dit-il, à négocier et à siéger dans ses conseils. Il y est fort assidu et il y passe une grande partie de son temps[2]. »

C’est par cette application soutenue qu’il pourvut aux nécessités et qu’il surmonta les périls de sa situation en Italie. Mettant tous ses soins à s’y fortifier non moins qu’à y affaiblir ses adversaires, il n’oublia rien de ce qui pouvait préparer la défaite ou hâter la désunion de la sainte ligue. Il chercha tout à la fois à la vaincre par les armes, à la dissoudre par les négociations. Il équipa sur les côtes d’Espagne une flotte de quelques navires de guerre et de beaucoup de vaisseaux de transport, que montaient environ dix mille soldats espagnols et allemands[3] commandés par Lannoy et par Alarcon, dont il avait récompensé les précédens services en créant l’un prince de Sulmona et en nommant l’autre marquis de la Valle-Siciliana. Il ordonna de lever en Allemagne une troupe considérable de lansquenets, qu’il pressa son frère l’archiduc Ferdinand d’envoyer au plus tôt en Lombardie sous la conduite du vaillant et dévoué George Frondsberg. Il s’attacha, par des offres aussi habiles qu’opportunes, un souverain italien fort puissant, placé

  1. «… Nelle armi in giostra, è a giochi di canne alla leggiera è cosi destro, quanto altro cavalière che sia in sua corte. » Relazione di Gasparo Contarini ritornato ambasciatore da Carlo V, letta in senato a di 16 novembre 1525 dans Relasioni degli ambasciatori veneti al senato da Eugenio Alberi, ser. I, vol. II, p. 60.
  2. « Solo si diletta di negoziare, e stare nelli suoi consigli, nelle quali è molto assiduo, e gran parte del tempo in quelli dimora. » Ibid., p. 62.
  3. « J’ai envoyé avec mon vice-roy de Naples environ X mille hommes tant d’Espaignolz que Allemans, entre lesquels y a beaulcop de principaulx personnaiges et noblesse. » Lettre de l’empereur à l’archiduc Ferdinand, du 30 novembre 1526, dans Lanz, t. Ier, p. 225.