l’échappement de l’air vicié par la respiration (foul air valve) ; l’autre, appelé pipe holder, devait s’attacher au tube à air. Je vis en effet sur le pont du bateau un long tuyau de gomme élastique replié plusieurs fois sur lui-même comme un serpent. Un des marins prit en quelque sorte la tête de ce long reptile et la vissa dans la pompe à air, tandis qu’il écroua l’autre bout, la queue, si l’on veut l’appeler ainsi, dans le pipe holder ou tuyau métallique de mon casque. Je compris alors que toute la théorie de cet art était fondée, comme on pouvait s’y attendre, sur la constitution physique de l’homme. Les appareils du plongeur ne font que doubler et prolonger ses organes ; la pompe à air est pour lui un poumon extérieur, tandis que le tube est une trachée-artère flottante. Cependant on ferma la seule ouverture par laquelle je communiquais encore avec le monde extérieur, en vissant à l’endroit de la bouche une troisième glace ovale et protégée, comme les deux autres, au dehors par un léger treillis de cuivre. Il ne faut pas perdre de vue qu’entre le plongeur et l’océan, entre la vie et la mort, il n’y a que l’épaisseur d’un verre. Si quelque obstacle externe, quelque pointe de fer venait à briser cette frêle cloison, il aurait aussitôt à compter avec toutes les eaux de l’abîme. A peine avait-on fixé cette glace sur le devant du casque, front glass, que les pompes commencèrent à jouer et à m’envoyer de l’air ; autrement j’aurais été étouffé. Je n’avais plus en effet que les mains qui fussent en contact avec l’atmosphère, et ce n’est point par là que j’aurais su respirer. Cette fonction dépendait entièrement du tube à air ; mais si ce tube était venu à se rompre ? On m’avait expliqué que dans ce cas-là une soupape se fermerait d’elle-même pour arrêter l’invasion des eaux, et qu’il me resterait encore assez d’air dans mes habits de plongeur pour vivre quelques instans, juste le temps d’être secouru. C’était du moins une consolation. Je ne pouvais plus ni parler ni entendre ; mais je pouvais encore très bien voir : n’avais-je point trois yeux de verre ? On me fit signe de me diriger vers une échelle qui descendait du bateau dans la mer. La difficulté était de me mouvoir. Il me semblait être soudé à la planche par mes semelles de plomb ; les poids me chargeaient le dos et la poitrine ; je me sentais d’ailleurs raide et gêné dans ma robe de gomme élastique comme si j’avais été cousu dans la peau de quelque monstre marin. Je fis pourtant de mon mieux et j’atteignis enfin le premier degré de l’échelle de corde qui, tendue à l’extrémité inférieure par un poids considérable, contournait d’abord à l’air nu les flancs du bateau, puis disparaissait entièrement sous les vagues.
Les braves marins aidaient et dirigeaient d’ailleurs tous mes mouvemens ; ils m’apprirent à passer le tube à air sous le bras gauche,