Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 62.djvu/338

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

eux, me dit-il, étaient occupés depuis deux ou trois jours dans les eaux de Douvres. Après avoir serré cette main qui avait tant de fois cherché fortune au fond de la mer, je quittai le maître plongeur de Whitstable, et je me dirigeai vers la ville aux blanches falaises de craie.

Grâce aux renseignemens des gardes-côtes, qui, après les policemen de Londres, sont peut-être les hommes les plus civils et les plus obligeans de l’Angleterre, je n’eus point de peine à découvrir où étaient les divers. Ils travaillaient beaucoup plus haut sur la côte, dans des eaux peu profondes mais perfides, où une embarcation s’était naguère ensablée. Leur ayant fait donner rendez-vous vers le soir dans un petit public-house où se réunissent les marins, je leur expliquai l’objet de ma visite, qui les étonna beaucoup. Il fut convenu que je partirais le lendemain dans une barque et que j’irais rejoindre en mer le bateau sur lequel ils travaillaient. Ce bateau, fortement amarré, était en quelque sorte la base des opérations. C’est là que se tiennent les plongeurs avant de descendre dans l’eau ou quand ils remontent du fond de la mer ; c’est là aussi, sur cette plate-forme, que se fixent les pompes à air et les hommes chargés de les manœuvrer. Ces pompes à air sont à l’extérieur de simples boîtes ayant la forme d’une grosse valise, mais contenant à l’intérieur des cylindres d’acier et tout un ingénieux mécanisme. S’agit-il d’imprimer le mouvement à ces organes, on ajoute aux parois de la boîte une roue volante et deux manivelles que deux[1] ouvriers font tourner en même temps par la force des bras. Un jet d’air s’échappe aussitôt avec une grande puissance par une issue ouverte dans la partie inférieure de la caisse.

Au moment où je débarquai, les plongeurs étaient à bord et prenaient une heure de repos. Comme je tenais à me rendre bien compte de la nature et de l’usage de leur équipement, je leur demandai à m’habiller moi-même en diver ; ils y consentirent. Cette toilette, dont toutes les pièces font partie d’un système, ne saurait être étrangère à l’histoire moderne des inventions sous-marines. Les plongeurs de profession sont entièrement vêtus de laine, et, quand ils doivent descendre dans des eaux très profondes, ils protègent en outre certaines parties du corps par une ceinture en osier recouverte d’une flanelle verte. Ce premier accoutrement n’est d’ailleurs qu’une mesure d’hygiène. On m’apporta bientôt le véritable diving-dress (habit de plongeur) ; c’est un grand vêtement gris tout d’une pièce, en gomme élastique (indian-rubber) et à l’épreuve de l’eau, dans lequel on entre par en haut comme dans un

  1. Dans les eaux très profondes, on emploie volontiers quatre hommes.