venait de s’ouvrir. Cet événement a donné lieu en Angleterre à une singulière coutume : des enfans construisent au coin des rues, avec des écailles d’huîtres, une espèce de grotte dans laquelle on place une chandelle au tomber de la nuit. Comme c’est un principe anglais que tout travail mérite salaire, les jeunes architectes demandent aux passans la récompense de leurs peines. Les voilà donc qui courent de l’un à l’autre, présentant une coquille d’huître en guise de sébile et répétant cette formule invariable : remember the grotto (souvenez-vous de la grotte). Si le passant hésite à acquitter la taxe, on cherche à vaincre sa mauvaise volonté par un argument irrésistible : only once a year (la chose n’arrive qu’une fois par an).
Je n’étais pas venu à Whitstable pour des huîtres, quoiqu’on en offre à tous les étrangers et qu’on les leur vende deux fois plus cher qu’à Londres, sous prétexte que c’est un fruit local de la mer. On m’avait dit de demander John Gann le plongeur. Tout le monde le connaissait dans l’endroit, et je n’eus guère de peine à trouver sa maison ; mais il n’était point chez lui, et comme je le cherchais d’un quartier à l’autre, j’eus le loisir d’examiner les faubourgs de cette petite ville, qui s’étendent sur une espèce de dune. Dans un des jardins attenant à d’humbles cottages, je vis un objet qui attira ma curiosité. On eût dit de loin un homme attaché à un instrument de torture, les pieds écartés en l’air par deux pieux et les bras tendus en croix par un autre morceau de bois transversal. Il me semblait avoir vu ce genre de supplice dans des gravures chinoises ; mais, en y regardant de près, je reconnus que cet homme était tout simplement un habit de plongeur, diving-dress, que l’on faisait sécher au soleil. Cependant on avait trouvé John Gann. Une jeune fille cachée dans un long mouchoir de couleur qui lui recouvrait la tête et les épaules comme une cagoule de moine vint m’avertir qu’il arrivait à ma rencontre. C’était un gros homme d’une cinquantaine d’années, à la figure ronde, pleine et rouge, où tout respirait la bienveillance. Il était vêtu en dessous d’une veste bleue de marin sur laquelle s’étalait un beau paletot de drap noir. Nous entrâmes pour causer dans une petite taverne, et là John le diver s’aperçut bientôt de son erreur. Ayant entendu dire que quelqu’un le demandait, il avait cru qu’il s’agissait d’un navire ayant fait naufrage et dont on voulait recouvrer les richesses. Je fus obligé de lui avouer que mon vaisseau était tout à fait à l’abri des tempêtes. Il comprit enfin l’objet de mes recherches et s’empressa de m’être utile.
Depuis quelques années, John Gann ne descend plus lui-même au fond de la mer, quoique dans sa jeunesse il ait été un des premiers qui ait fait usage du scaphandre (diving-apparatus.)