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deux seaux dans un puits. Ces barils, doublés de plomb et contenant environ trente-six gallons d’air condensé, étaient en quelque sorte les deux poumons latéraux de la diving-bell, à laquelle ils communiquaient par un tuyau de cuir. A mesure qu’un des tonneaux à air était vide, on en descendait un autre. Halley raconte lui-même que grâce à cet engin il put descendre en 1721 avec quatre autres personnes dans neuf ou dix toises d’eau (fathoms) et y rester une heure et demie. De temps en temps, l’eau entrait et faisait mine d’envahir l’intérieur de la cloche ; il repoussait alors l’ennemi « en lui versant sur la tête » trois ou quatre barils d’air. Arrivé au fond, il ouvrait le robinet par lequel devait sortir le fluide déjà respiré, et cet air impur s’échappait avec tant de violence qu’il faisait bouillonner la surface de la mer et la couvrait d’écume.

La gloire d’avoir appliqué la diving-bell aux travaux d’architecture sous-marine appartient toutefois au grand ingénieur Smeaton, dont le nom éveille tant d’échos dans le détroit de Plymouth. N’est-ce point lui qui a dressé sur un roc solitaire, à 14 ou 15 milles du sound, le phare d’Eddystone ? En 1779, Smeaton se servit de la cloche à plongeur pour réparer vers le nord de l’Angleterre les piles du pont de Hexham, dont les fondemens avaient été minés par la violence du courant. Il introduisit aussi diverses modifications dans la forme et dans les organes de l’appareil. Le premier il fit construire vers 1788 une diving-bell en fonte ; mais le caractère particulier de sa machine était l’application de la pompe à air, qui respirait en quelque sorte au profit des plongeurs sans qu’ils eussent besoin de pourvoir par eux-mêmes à leur provision de fluide vital. Cette cloche perfectionnée fut dès lors employée par tous les ingénieurs maritimes. Vers 1813, elle joua un grand rôle dans les travaux qui transformèrent le port de Ramsgate. Le célèbre Rennie, qui présidait à cette entreprise gigantesque, fit un usage constant de la diving-bell pour poser les fondemens de la jetée orientale et la défendre dans certains endroits par un tablier de solide maçonnerie contre les attaques de la mer. Cette même machine a d’ailleurs contribué puissamment en Écosse à développer le mouvement de la navigation entre Glasgow et Greenock, car elle a permis de déblayer le lit de la rivière Clyde et d’en retirer des quartiers de roche qu’on n’aurait guère pu atteindre ni enlever par un autre moyen. Aujourd’hui même elle est en pleine activité sur la côte du sud de l’Angleterre, où elle aide à construire dans les eaux tempétueuses de la Manche un brise-lame, comparé à un bras de pierre, qui déjà s’étend à plus d’un demi-mille entre la ville de Douvres et les côtes de France. L’ouvrage, il est vrai, avance lentement à cause de mille obstacles, parmi lesquels il faut tenir compte