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y avait conduits après avoir transféré Morone dans la forteresse de Trezzo, et il avait commencé l’investissement de la citadelle, que les Milanais, très dévoués à leur duc national, avaient munie de tous les approvisionnemens nécessaires, et qui devait tenir longtemps sans être obligée de se rendre. Pescara avait occupé les points principaux de la ville, et particulièrement le Domo, empêchant qu’on en sonnât la grosse cloche à aucune heure et pour aucune réunion, de peur qu’elle ne devînt le signal d’un soulèvement populaire[1]. Tant qu’il avait vécu, il avait contenu la ville, tout en faisant subsister son armée à ses dépens. A sa mort, le commandement militaire, partagé entre Antonio de Leyva, l’énergique défenseur de Pavie, et le marquis del Guasto, l’un des capitaines qui avaient le plus contribué à la dernière victoire, avait été exercé en commun sans qu’ils montrassent jamais ni rivalité ni désaccord. Ils continuèrent à serrer de près le château pour en empêcher le ravitaillement ; mais ils se trouvèrent bientôt dans le plus grand embarras à l’égard de leurs troupes. Il ne recevaient point d’argent de l’empereur, et leur petite armée était depuis longtemps sans solde. Laissant alors les lansquenets auprès du château, ils dispersèrent les Espagnols autour de Milan, afin de les mettre les uns et les autres à la charge de la ville et de son territoire[2]. Pendant que les Espagnols rançonnaient les campagnes, dépouillant et tuant les pauvres villageois, qu’ils forçaient de quitter leurs demeures pour se soustraire à leur féroce rapacité, Antonio de Leyva et le marquis del Guasto taxaient les habitans de la ville en envoyant des bulletins aux marchands pour qu’ils payassent, les uns 1,000 écus, les autres 500, qui plus, qui moins. Les Milanais résolurent entre eux de ne plus rien donner. Ils fermèrent les boutiques dans la ville morne et désolée, et pendant trois jours de suite, le dimanche 22 avril, le lundi 23, le mardi 24, ils firent des processions solennelles, comme pour invoquer l’assistance divine dans ce grand désespoir public et y puiser la force de résister à l’oppression étrangère.

Le troisième jour, 24 avril, les soldats se présentèrent à la maison de l’un de ceux qui avaient été taxés à la contribution de 500 écus. Il s’y barricada et les chassa à coups de pierres. Les soldats revinrent bientôt en plus grand nombre pour forcer la maison et contraindre le rebelle marchand à payer la somme imposée ; mais, aidé de ses voisins et des gens de sa rue, le courageux Milanais les

  1. « Et Iassò che la campana grossa non fosse sonata de ora nessuna, perchè temevano che la terra non se movesso in suo danno. » Storia de Burigozzo dans Archivio storico italiano, t. III, p. 449 ».
  2.  » Talmente que Milano staseva male in mano de lanzinechi et le ville nelle mane de Spagnoli. » Ibid.