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dispositions mutuelles pour s’occuper avec une volonté sérieuse et prompte de mettre fin aux responsabilités onéreuses qui nous ont été infligées par l’entreprise mexicaine. Il ne faut point se tromper au surplus sur les sentimens des Américains : ils attachent très sincèrement et très cordialement un grand prix à conserver l’amitié de la France ; mais qu’on n’aille pas rêver qu’on pourra jamais leur faire aimer une monarchie impériale au Mexique. Si l’on avait pu nourrir une telle illusion, il suffirait d’un fait éclatant et récent pour la dissiper. Les derniers journaux arrivés des États-Unis nous apportent le grand éloge funèbre du président Lincoln prononcé à Washington par l’illustre historien américain Bancroft. C’est à Washington qu’a eu lieu la solennelle cérémonie de la commémoration de la mort du président martyr. Les deux chambres du congrès étaient réunies dans la rotonde du Capitole sous la présidence de M. Lafayette Foster. Le président Johnson, les ministres, les hauts dignitaires de la justice, les généraux et tout le public distingué de Washington composaient le reste de l’auditoire. M. Bancroft a lu devant l’élite de la grande république sa composition en l’honneur de la vie de Lincoln ; au ton du discours et au caractère de l’assemblée, on eût dit une de ces oraisons funèbres que prononçaient sur les grands morts les chefs des vieilles républiques grecques. Amené à s’expliquer sur l’expédition française du Mexique, M. Bancroft a parlé de la France avec une franche sympathie, mais en homme qui connaît l’histoire politique des dernières années et qui n’oublie point les oppositions extérieures que son pays a rencontrées dans sa grande lutte civile. On a remarqué qu’un des passages les plus applaudis de son discours a été celui où il s’est écrié : « Un état libre est immortel comme son peuple ; la république du Mexique vivra encore. »


E. FORCADE.



L’ACADÉMIE FRANÇAISE ET LES MOEURS LITTÉRAIRES.
RÉCEPTION DE. M. C. DOUCET.

A travers toutes nos vicissitudes politiques, malgré la perpétuelle transformation des mœurs et des goûts, l’Académie éminente, comme on l’appelait à ses débuts, a gardé le privilège des réunions d’élite ; puisse-t-elle le conserver toujours et ne pas compromettre la faveur attachée à ses souvenirs ! On la respecte et on l’aime, cette noble compagnie, alors même qu’elle ne répond pas toujours à l’idéal qu’on s’en fait. N’est-elle pas un témoin des âges disparus ? Que d’échos sous cette coupole ! Que de traditions parmi ces maîtres ! On peut citer, par exemple, tel de ses doyens qui a conversé dans sa jeunesse avec le vénérable Suard, mort en 1817 à l’âge de quatre-