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machines ne la regarderaient pas sans danger. Avant d’y porter les yeux pour vérifier si la flamme est bien régulière et si le foyer lumineux n’a pas changé de position, ils sont obligés de mettre des lunettes bleues ou vertes, et d’une teinte si foncée qu’ils sont alors incapables de distinguer aucun autre objet.

Si je me suis un peu étendu sur les questions que soulève l’emploi de la lumière électrique, c’est afin de faire apprécier combien il est difficile de trouver un mode d’éclairage qui ait toutes les qualités voulues, et combien d’essais préliminaires sont indispensables avant de modifier ce qui existe déjà. Éclat, permanence et en dernier lieu économie dans la dépense, toutes ces conditions doivent être réunies au plus haut degré, sous peine de compromettre les immenses intérêts que l’éclairage maritime a mission de sauvegarder. Les lentilles, les lampes et tous les engins accessoires qui servent à l’éclairage des phares sont en France l’objet d’un commerce important. C’est à Saint-Gobain que sont coulés les fragmens de verre dont les lentilles sont composées, et grâce aux soins assidus que reçoit cette fabrication spéciale, cette usine a su toujours fournir un verre bien blanc, bien diaphane, qui conserve sa limpidité et son éclat malgré l’action délétère des particules salines dont l’air marin est imprégné. Deux constructeurs français, MM. Lepaute et Sautter, s’occupent sur une large échelle de l’installation des appareils d’éclairage et en fournissent non-seulement à l’administration française, mais encore à la plupart des nations de l’Europe. On peut apprécier l’importance de cette belle industrie par ce fait, que l’un de ces fabricans a fourni en dix ans quatre cent quatre-vingt-deux appareils complets tant en France qu’à l’étranger. Le grand développement de ce commerce d’exportation ne peut être dû qu’aux perfectionnemens et aux soins incessans de la fabrication.

On vient de voir comment les feux des phares sont alimentés et par quels procédés la lumière est portée jusqu’aux limites de l’horizon maritime avec les différens caractères, éclipses ou éclats momentanés, qui les font reconnaître. Il reste à parler des monumens au sommet desquels les feux sont allumés. Sur ce sujet encore, l’ingénieur a eu bien des occasions d’exercer les talens les plus divers.


II

L’édifice qui supporte l’appareil éclairant d’un phare doit satisfaire à maintes conditions. Il doit être très élevé, afin que les navigateurs en aperçoivent de loin la lueur hospitalière. Quelquefois on peut le dresser au sommet d’une montagne, comme le phare du