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Il en est bien autrement aujourd’hui. Des feux d’une grande portée, qui sont allumés toutes les nuits, percent au loin l’opacité de l’horizon et signalent au marin l’approche du littoral quand il en est encore assez éloigné pour se mettre en mesure d’atterrir sans danger ; puis, à mesure qu’il se rapproche du rivage, apparaissent d’autres feux moins éclatans qui lui indiquent les sinuosités de la côte, signalent les bancs dangereux, jalonnent les passes abordables, font connaître même à l’entrée des principaux ports, de l’Océan la hauteur de la marée, et guident le navire jusqu’à ce qu’il soit à l’abri dans une rade ou dans les bassins d’un port. Pendant le jour aussi, des balises et des bouées révèlent les dangers cachés sous l’eau, et des amers, entretenus avec soin aux endroits les plus visibles du rivage, fournissent au navigateur les points de repère de la route à suivre.

Prévenir les naufrages en signalant les écueils, abréger la durée des traversées en permettant aux navires d’atterrir de nuit presque avec autant de sécurité que pendant le jour, par suite diminuer les risques et le prix de revient des voyages maritimes, tel est le but à la fois humain et commercial de cette grande œuvre du balisage et de l’éclairage des côtes, — œuvre toute française, car un savant français a inventé les merveilleux appareils qui couronnent aujourd’hui les phares de toutes les nations européennes, et ce sont des ingénieurs français qui ont donné au système actuel des phares et des balises la plus large et la plus complète application. Cette vaste entreprise est à peu près terminée sur tout notre littoral, de Dunkerque au Socoa et de Port-Vendres à Nice. Il n’est pas sans intérêt de présenter l’ensemble des travaux qui ont été exécutés et d’exposer d’une façon rapide les principes qui ont présidé à l’organisation du système.


I

Le nom de phare vient, on le sait, d’une tour célèbre qui avait été édifiée dans l’île de Pharos par Ptolémée Philadelphe, afin de signaler l’entrée du port d’Alexandrie. Elle méritait à juste titre d’être rangée parmi les sept merveilles du monde, s’il faut en croire les récits des historiens qui lui assignent une hauteur de plus de cent brasses et prétendent que son feu était visible à cent milles de distance. On parle même d’un grand miroir qui était placé au sommet et qui était destiné à observer les flottes ennemies. Ce que l’on sait des exagérations habituelles aux annalistes ne permet guère d’ajouter foi à de tels récits, d’autant plus que les phares de nos jours n’ont jamais une portée comparable à celle qu’on attribue au