Enfin les forêts exercent sur le régime des eaux une action dont il est impossible de méconnaître l’importance : par l’humus dont elles couvrent le sol, par les racines qui facilitent l’infiltration comme pourrait le faire un drainage vertical, par le couvert qui empêche l’évaporation, elles retiennent la plus grande partie de l’eau qui tombe sous forme de pluie et la forcent à pénétrer dans les couches inférieures, d’où elle revient ensuite à la surface sous forme de source. Elles servent ainsi à emmagasiner en quelque sorte l’eau de pluie pour la distribuer ensuite par divers orifices ; elles ralentissent en outre l’écoulement superficiel, retardent la fonte des neiges et contribuent puissamment à empêcher les inondations. MM. Cantegril et Bellaud, sous-inspecteurs des forêts, ont constaté ces faits par une série d’expériences directes entreprises en 1859 et 1860 dans deux bassins contigus du département de la Meurthe. Ils ont mesuré la quantité d’eau tombée sur chacun de ces bassins, dont l’un est boisé et l’autre dénudé, et ont reconnu que le dernier laisse échapper superficiellement la plus grande partie de la pluie qu’il reçoit, tandis que le premier l’absorbe presque en totalité. M. Maistre de Villeneuvette a fait récemment des expériences analogues dans les départemens de l’Aude et de l’Hérault. Il s’est assuré par des observations pluviométriques et des jaugeages répétés deux fois par jour que le bassin boisé du Lampy, dépendant du massif de la Montagne-Noire, dont la superficie est de 700 hectares, absorbe la moitié environ de l’eau qui tombe sous forme de pluie et fournit au moyen de sources nombreuses au ruisseau du Lampy un débit constant de 110 litres par seconde, tandis que le bassin déboisé du Salagou laisse écouler superficiellement la plus grande partie de l’eau qu’il reçoit, et, bien que d’une superficie six fois plus grande que le premier, ne peut donner qu’un débit de 12 litres par seconde en été.
Les exemples de l’influence des forêts sur le régime des eaux sont si nombreux qu’on n’a réellement que l’embarras du choix. Sans parler des torrens des Alpes, dont M. Surell a donné une si intéressante description et que le reboisement seul est parvenu à transformer en cours d’eau réguliers, il suffira de signaler un fait qui donne de cette influence la démonstration la plus complète. La commune de Labruguière dans le Tarn possède une forêt de 1,800