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des communes, il était l’associé d’une maison de banque importante de la Cité de Londres : Fruhling et Göschen. Il jouit d’une grande considération comme homme d’affaires, et son livre de la Théorie des changes étrangers a obtenu un très brillant succès non-seulement en Angleterre, mais aussi au dehors. Élu pour la première fois en 1863, il est passé lors des dernières élections en tête du scrutin de liste de la Cité de Londres avec 7,102 voix. Il a été élevé à l’université d’Oxford, et nous avons déjà parlé des efforts qu’il a faits pour ouvrir aux dissidens l’entrée des universités anglaises.

C’est un projet de réforme électorale qui fait la base du programme ministériel. Quoi que l’on pense des chances d’une pareille entreprise, il ne faut cependant pas la reprocher trop vivement à l’inflexibilité logique du comte Russell. Avec ses précédens et avec ceux de M. Gladstone, qui s’est aussi compromis sur la question en 1864, il n’est pas possible au ministère reconstitué sous les auspices de ces deux hommes d’état de ne pas faire une tentative dans cette voie. Et il y a plus, ceux-ci ne sont pas libres, comme lord Palmerston en 1860, de ne pas faire du projet de réforme une question de cabinet. Malheureusement c’est aussi une question des plus perfides, des plus dangereuses, parce que dans le parlement tout le monde, conservateurs et libéraux, l’accepte en principe, sauf à appliquer le principe chacun selon ses intérêts, En dehors du parlement d’ailleurs, la très grande majorité de la nation, ceux même que le sujet concerne, ne paraît pas y attacher une importance prépondérante. Voilà cinq mois que l’on sait que le ministère présentera un projet de réforme, cinq mois que les quelques hommes qui ont fait de cette réforme leur affaire particulière s’évertuent à exciser l’opinion par tous les moyens dont la liberté dispose en Angleterre, et cinq mois, que l’on ne peut parvenir à émouvoir sérieusement le public. Quelques meetings convoqués et réunis à grand’peine, c’est tout ce que l’on a pu obtenir, et, comme pour mieux montrer que l’indifférence du grand nombre tient non pas à une apathie de l’esprit public, mais au peu de cas qu’il fait de la question, il s’est trouvé, que les événemens de la Jamaïque ont tout à coup provoqué des démonstrations aussi vives que nombreuses ; tenues de meetings, envois de députations, adresses aux ministres, etc. Non certes, l’esprit libéral ne dort pas, mais il semble pour le moment ne se soucier qu’assez peu d’un projet de réforme électorale. Or c’est toujours une situation des plus dangereuses pour un ministère que d’avoir à débattre une question de cabinet sur un sujet qui ne passionne réellement pas le public. C’est l’occasion ou jamais pour lui d’être assassiné par