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et François de Brunswick et de Lunebourg, le duc Henri de Mecklenbourg, Wolf, prince d’Anhalt et comte d’Ascanie, Gebhart et Albert, comtes de Mannsfeld, devaient s’unir à Magdebourg dans une sorte de confédération pour résister aux menaces des princes demeurés fidèles à l’ancienne religion et soutenus par l’empereur, dont ces princes avaient invoqué l’assistance.

Charles-Quint était en effet résolu dans ce moment à leur venir en aide. Douze jours après son mariage, il renvoya le duc Henri de Brunswick en Allemagne avec des instructions secrètes adressées au prince-évêque de Strasbourg et au duc Erik de Brunswick, chargés, l’un dans les cercles du midi, l’autre dans les cercles du nord-ouest de l’empire, d’unir fortement ensemble tous les états demeurés catholiques, « afin d’arrêter, disait-il, la doctrine séductrice et damnée de Luther qui s’étendait de jour en jour dans le saint-empire, et dont il avait l’intention de prévenir les suites dangereuses[1]. » Il annonçait dans ces lettres, écrites le 23 mars, qu’il disposait toutes ses affaires pour être bientôt en état de quitter ses royaumes d’Espagne, de se rendre directement à Rome, puis d’arriver en Allemagne, « où, disait-il, aidé de vos conseils et secondé par votre appui, je travaillerai à abolir et à exterminer de fond en comble la doctrine luthérienne. » Il écrivait en même temps à son frère l’archiduc Ferdinand, qui devait présider, comme son lieutenant, la prochaine diète de Spire, où se rencontreraient les soutiens des deux croyances : « qu’il avait le plus grand désir de mettre la main à l’œuvre, et qu’il ferait son possible pour partir à la Saint-Jean (le 24 juin) de cette année[2]. »

Mais bien avant le 24 juin il apprit que son prisonnier, devenu libre, d’abord ajournait, puis refusait la pleine exécution du traité de Madrid. Il se sentit déçu et se vit arrêté. Son orgueil en souffrait autant que sa politique. « Il est silencieux et retiré, écrivait au milieu du mois d’avril l’ambassadeur d’Angleterre Lee au roi Henri VIII ; il passe bien souvent trois ou quatre heures de suite seul et livré à ses réflexions. Il n’a depuis son mariage ni plaisir ni contentement[3]. » Confus d’avoir été trompé, prévoyant les périls nouveaux auxquels il allait être exposé, il comprit alors la faute qu’il avait commise, ou en ne pas délivrant François Ier sans

  1. Instruction secrète de l’empereur Charles V pour l’extermination de la secte luthérienne, tirée des archives de Cassel et publiée dans Rommel, Geschichte Philipps des Grossmüthigen, mil einem Urkundenbuche, t. III, p. 13.
  2. Lettre écrite de Séville, le 26 mars 1526, par Charles-Quint à Ferdinand ; dans Bucholtz, t. II, p. 369.
  3. « Sire, the emperour is merveilously altered sithens his marriage. He his ful of dompes and solitary, musing sometyme alone 3 or 4 hours togiders. There is no myrthe ne comfort with him. » Lettre du 15 avril 1526, citée dans la page 535, note 3 du tome VI des State Papers.