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incertain, c’était l’importance du bénéfice qu’allait faire le parti libéral ; quant au reste, la confiance était si généralement répandue qu’elle doit servir à expliquer comment les élections de 1865 ont été les plus paisibles qu’on ait vues depuis longtemps, quoique depuis longtemps aussi il n’y ait pas eu d’élections qui aient produit d’aussi nombreux changemens dans le personnel de la chambre des communes. Excepté sur quelques points, la lutte fut généralement peu vive, et le nombre des électeurs qui prirent part au poll fut moins considérable qu’il ne l’avait été en d’autres temps.

La chambre des communes que l’on réélisait, la majorité que l’on renforçait, avaient en définitive bien mérité des électeurs et du pays. Sans avoir eu l’occasion de voter aucune de ces grandes mesures qui font époque dans l’histoire, le parlement qui venait de finir avait rendu de très véritables services, et de ces services que l’esprit pratique des Anglais tient en haute estime, quoiqu’ils ne soient pas toujours brillans. Élu sous l’influence du ministère tory, auquel il reprochait, entre autres griefs, d’avoir une politique secrètement hostile à la France (on était en 1859) et de prêter une attention trop complaisante à des rêves de coalitions nouvelles contre nous, l’ancien parlement avait débuté en renversant le cabinet de lord Derby par un vote de non-confiance rendu à la majorité de 13 voix, et depuis lors il avait continué sa pacifique existence en s’occupant presque exclusivement d’améliorations populaires, du dégrèvement des articles de consommation générale et du rétablissement des finances, que le ministère tory ne lui avait pas remises dans le plus brillant état. Il avait hérité de la guerre de Chine et il l’avait menée à bonne fin, il avait chaleureusement appuyé le ministère de lord Palmerston dans l’affaire du Trent ; mais, si l’on excepte ces deux cas, il s’était employé à soutenir partout la politique de la paix, même avec plus de résolution que le ministère, et en dépit des blessures passagères que cette politique poussée jusqu’à des limites presque extrêmes pouvait faire souffrir à l’amour-propre national. En réalité, c’est à ce parlement plus encore qu’à lord Palmerston ou au comte Russell que doit revenir la responsabilité de la politique anglaise dans les affaires de Pologne en 1863 et de Danemark en 1864. Si la chambre des communes se fût prêtée à une autre conduite, celle des ministres eût certainement été différente de celle qu’ils ont tenue ; mais ils avaient les mains liées par la reine d’un côté et par la chambre de l’autre, comme on le vit par le vote rendu sur la motion de censure proposée par M. Disraeli au sujet de la politique suivie dans le conflit dano-allemand ; 18 voix de majorité firent triompher la politique d’abstention malgré le vote rendu en sens contraire par la chambre des lords. 18 voix de majorité, cela peut ne point paraître très considérable ; mais il ne faut pas oublier