Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 62.djvu/172

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

composait que de postes militaires, de stations maritimes, de colonies tributaires de la métropole et arrêtées dans leur développement par les doctrines qui prévalaient alors sur la manière de gouverner les colonies et de les exploiter par le moyen de l’autorité métropolitaine. Aujourd’hui plusieurs de ces colonies, le Canada, le Cap, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, sont devenues de véritables états dont l’existence est désormais assurée dans la famille des nations et qui font de merveilleux progrès en richesse et en puissance. En effet, ce qui donne à ce rêve de l’Angleterre des chances de réalisation, c’est qu’ayant conçu le projet, elle a su accepter franchement les conditions qui peuvent le faire réussir. Instruite par l’expérience qu’elle avait faite aux États-Unis, elle s’est mise à pratiquer sans réserve la moralité de la leçon qu’elle venait d’y recevoir. Voyant par le fait qu’il était impossible de prétendre à gouverner des colonies peuplées d’hommes de sa race et situées à des milliers de lieues de distance par les talens de la bureaucratie métropolitaine, l’Angleterre a remis aujourd’hui à toutes celles de ses colonies où domine la race blanche le soin de pourvoir elles-mêmes à leurs destinées. Sauf le droit de paix et de guerre, elles jouissent de tous ceux qui appartiennent à des états indépendans, et la mission des gouverneurs que l’Angleterre leur fournit encore n’a plus d’autre objet que d’assurer l’exécution des lois rendues par les parlemens locaux, de représenter cette autorité arbitrale qui, dans les sociétés libres, a la charge de remettre le pouvoir aux mains de la majorité.

Les choses vont bien plus loin encore. Au lieu de ressentir aucune jalousie des idées militaires ou des projets d’armement que peuvent concevoir ses colonies, l’Angleterre les pousse dans cette voie, elle les presse de former des régimens de volontaires et d’organiser leurs milices, elle fournit au besoin des armes, des subsides et des instructeurs. Cela n’est pas du goût de toutes les colonies, dont quelques-unes au moins aimeraient à voir la métropole prendre à sa charge les peines et les frais de leur défense. Le Canada est de ce nombre, et tout dernièrement encore l’Angleterre, après l’avoir longtemps gourmandé sur ce sujet, a dû finir par le menacer de retirer les troupes royales, s’il ne voulait pas consentir à s’armer lui-même. Ailleurs c’est un autre esprit qui prévaut. Après trois ans de combats, la Nouvelle-Zélande vient de finir, ou peu s’en faut, sa troisième ou sa quatrième guerre avec les Maoris, et elle l’aura terminée avec ses milices. Les régimens de la reine, ne connaissant ni le pays, ni la manière d’opérer des indigènes, n’avançaient pas, si bien qu’à la longue les habitans, qui souffraient dans leurs intérêts de la durée des hostilités, ont réclamé des armes à grands cris, se faisant fort de terminer la guerre eux-mêmes. Le gouverneur sir J. Grey, qui était de leur avis, engage sur ce sujet avec