légal où il n’y a pas de place pour lui. De là à devenir un révolutionnaire il n’y a pas si loin, et c’est ce que deviennent peu à peu non pas seulement ceux qu’on appelle les hommes des vieux partis, mais aussi beaucoup de ceux qui étaient d’abord disposés à vous tendre la main, et qui seraient restés des vôtres, si, au jour de l’épreuve, l’administration n’était pas nécessairement obligée à porter tous ses efforts sur un seul candidat en combattant tous les autres, même ceux qui voudraient ne pas lui être hostiles. Les discordes et les haines qui naissent de ces conflits sont des plus fâcheuses pour la chose publique, et loin de s’affaiblir avec le temps, elles menacent plutôt de devenir inconciliables, car ce ne sont pas seulement des opinions qui sont en jeu dans ces crises, ce sont aussi les intérêts égoïstes des individus et des localités. Sous le régime de la centralisation, où toutes les carrières dépendent du gouvernement, où la plupart même des fonctions gratuites sont à sa nomination, les candidats indépendans et les électeurs qui ont été vaincus avec eux se regardent toujours comme menacés ou comme frappés dans leurs propres personnes, ou dans leurs familles, quelque chose que l’on veuille bien faire pour effacer le souvenir de leur défaite. Les localités qui n’ont pas voté comme on le leur demandait et qui sollicitent des chemins de fer, des ponts, des routes, des églises, des écoles, etc., attribuent à des rancunes électorales les refus que bien souvent l’état des finances suffirait à lui seul pour opposer à leur impatience, et elles crient à l’injustice, elles se passionnent. Il arrive alors ce qui se passe en France : le gouvernement recueille ce que les institutions ont semé pour lui, et, comme tout gouvernement centralisé, il éprouve la plus grande difficulté à concilier le principe de sa sûreté particulière avec celui de la liberté générale des élections.
L’Angleterre, qui n’est pas centralisée, est libre ; aussi en temps d’élections le gouvernement n’y est-il pas contraint à cette dépense d’efforts qui en d’autres pays coûtent si cher au pouvoir, à son crédit, à sa puissance morale. Sauf trois ou quatre bourgs, Chatham, Portsmouth, Davenport, Plymouth, sièges d’arsenaux maritimes où le gouvernement exerce par l’intermédiaire de l’amirauté une influence non avouée, mais réelle, on peut dire que le gouvernement en Angleterre ne se mêle guère plus des élections que si la chose ne le concernait pas lui-même. A un électeur du continent, habitué qu’il est à de certaines manières de faire, on peut dire sans exagération et sans jouer avec les mots que dans une élection anglaise le gouvernement se fait remarquer par son absence. Et en effet comment y paraîtrait-il ? avec quels moyens ? Quelle prise a-t-il sur les individus ou sur les localités ? Aucune. Le nombre des fonctionnaires qui sont à sa nomination est si restreint que nulle