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authentique de Khaïr-ed-Din à l’amiral espagnol Ugo de Moncada, qui, en août 1518, assiégeait Alger et la sommait de se rendre ; la seconde est une allocution du défenseur d’Alger, Hassan-Agha, à ses compagnons d’armes, quand Charles-Quint était aux portes.


« Tu te trompes étrangement, chrétien (écrivait Khaïr-ed-Din), si tu crois que les compagnons par nous perdus dans les combats sont morts à toujours. Ils vivent de cette vie céleste que leur réservait l’Éternel, dont ils invoquaient et défendaient le nom sans cesse, et qui, plein d’une bonté infinie, les a pris sous sa divine protection. Exempts de soucis et de peines, ils sont là-haut, aux demeures éternelles, au bord des fleuves où les divines houris les récompensent des chagrins de ce monde ; ils sont placés au rang des élus, car ils ont sacrifié leur vie terrestre pour la défense et le maintien de la foi. A leur exemple, nous aussi nous lutterons, et avec d’autant plus d’ardeur que les récompenses accordées à nos frères morts pour la sainte cause nous sont également réservées dans le ciel… Ainsi, chrétien, ni trêve, ni pitié, ni paix ; jusqu’à ce que Dieu, le meilleur des arbitres en dispose autrement, la lame du cimeterre décidera seule entre nous. Réunis toutes tes forces, car nous avons plus d’impatience encore de te combattre que tu n’en as de nous assaillir, et tant qu’il nous restera un souffle de vie, nous serons les champions d’Alger la guerrière. »

« — Courage, criait de son côté à ses compagnons Hassan-Agha en 1541 ; le secours du Tout-Puissant ne nous manquera pas ; il est à nous, soyons-en sûrs, et tous les infidèles vont avoir le sort qu’éprouvèrent leurs aïeux. L’heure de la guerre sainte a sonné ; que tout défenseur de la foi se relève et chasse de son âme la crainte puérile du trépas !… Dieu a dit en parlant de la sainte prise d’armes : « Loin de vous cette pensée que ceux qui ont succombé soient morts ! Ils vivent au contraire et reçoivent leur nourriture des mains du Tout-Puissant. Si nous sommes faibles et que l’ennemi soit nombreux, Dieu nous répète encore : Que de fois une armée formidable n’a-t-elle pas fléchi sous les efforts d’une poignée de fidèles ! L’homme qui meurt pour la sainte lutte acquiert devant Dieu de bien plus grands mérites que celui qui succombe à sa fin naturelle. — Les bénédictions et le salut sont sur lui, s’écrie le prophète ; le paradis est à l’ombre des lames des cimeterres. — Dieu a donc voulu nous envoyer la guerre pour la foi ; c’est une faveur insigne. Honneur et bonheur à qui s’abreuvera dans la coupe du martyre ! »


Ne semble-t-il pas, en vérité, qu’on entende des khouans d’Algérie prêcher la guerre sainte ? Quel Arabe, quel marabout kabyle le plus plein de sa foi, le plus fanatisé contre le chrétien, dirait autrement ou dirait mieux ?

Au demeurant, une politique de division et d’exaction comme but, des tribus makhzen comme instrumens d’arbitraire et d’immoralité, des soumissions restreintes ou précaires, et l’appauvrissement du pays occupé comme résultat, — tels sont en quelques mots sévères ; mais justes, les caractères du régime turc en Kabylie. La France, elle, avait à représenter en Afrique d’autres intérêts que