Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 62.djvu/1071

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
1067
REVUE. — CHRONIQUE.

d’équilibre qu’aurait eus en vue la chambre précédente en fixant les conditions du suffrage. Il y a dans le procédé adopté par le ministère qui scinde en deux lois distinctes et successives la mesure de la réforme une anomalie qu’on ne s’explique point. On y a vu une sorte de tactique détour née, et l’on s’est confirmé davantage dans cette appréciation quand on a appris que cette méthode avait été suggérée au cabinet par M. Bright. En isolant la question du suffrage, en la présentant la première et en laissant ignorer à la chambre des communes les siéges qui seront supprimés, remaniés ou créés, on semble avoir eu pour objet d’augmenter les votes en faveur du bill et d’endormir l’opposition de ceux dont l’existence parlementaire serait menacée par la nouvelle répartition des siéges. On est fondé à croire aussi qu’après avoir introduit quatre cent mille électeurs nouveaux dans les constituencies, M. Bright et ses amis ne seraient pas fâchés de remettre à un parlement nouveau la tâche de répartir les siéges, car ce parlement, composé d’élémens plus démocratiques, apporterait des vues plus radicales dans le règlement de la seconde partie de la réforme parlementaire. On comprend que hérissée de ces difficultés de détail, de ces obscurités, de ces défiances, la réforme ne soit guère faite pour exciter un grand enthousiasme politique. Lors même que le ministère obtiendrait la seconde lecture du bill, il n’est pas certain que la mesure ne soit point mutilée et enterrée à l’épreuve de la discussion des articles. D’ici là, il est probable que l’Angleterre sera détournée de la solution du problème électoral par les complications de la politique générale de l’Europe.

E. Forcade

ESSAIS ET NOTICES.



Les Dieux de l’ancienne Rome, de L. Preller, traduction de M. L. Dietz[1].


Les ouvrages de Preller sur la mythologie grecque et romaine sont aujourd’hui classiques en Allemagne ; c’est un grand honneur dans un pays où les travaux de ce genre sont si nombreux et si distingués. Voilà plus de cinquante ans que nos voisins étudient avec ardeur les religions antiques ; ils ont écrit sur ce sujet des livres, des mémoires, des dissertations sans nombre ; aucun détail, si petit qu’il paraisse, n’a échappé à leur attention ; la curiosité de leur esprit, éveillée par la nouveauté des recherches, n’a rien omis, rien dédaigné. Il restait à se servir de ces matériaux entassés pour en composer une œuvre définitive : c’est ce qu’a fait Preller ; il a su habilement réunir ces idées éparses, choisir les opinions les plus sensées, les conjectures les moins téméraires de ses devanciers, et les exposer avec

  1. Paris, Didier.