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ses attaques n’ont pas toujours été adroites. On a par exemple été étonné de son peu de mémoire lorsqu’il a reproché aux tories d’avoir excité l’Angleterre à intervenir dans la guerre civile des États-Unis pour défendre la cause de la confédération rebelle. Ce reproche était bien déplacé dans sa bouche. Lorsque l’insurrection des états du sud eut éclaté, personne en Angleterre n’épousa la cause des séparatistes avec plus d’enthousiasme et on pourrait dire d’étourderie que M. Gladstone. Le bouillant ministre alla jusqu’à s’écrier, dans un grand discours prononcé en province, que M. Jefferson Davis n’était pas seulement un puissant organisateur d’armée, qu’il était un de ces hommes qui fondent une nation. Lord Stanley a rappelé avec un grand succès les propres paroles prononcées en cette circonstance par M. Gladstone, et a opposé l’infidélité de sa mémoire à l’injustice de ses reproches. Le discours vraiment remarquable de la soirée a été celui de lord Stanley, qui s’était chargé de soutenir l’amendement de tord Grosvenor. Lord Stanley n’est point un orateur proprement dit, il ne prétend point à l’éloquence ; mais il apporte dans les discussions l’étude si consciencieuse et si exacte des questions qu’il traite, il a une raison si précise et si nue, une si droite logique, une si parfaite indépendance des préjugés routiniers, un tel dédain des effets de charlatanisme, que peu d’hommes politiques en Angleterre sont écoutés avec autant d’attention, de confiance et de respect. L’opinion générale désigne le sage et solide fils de lord Derby, dont les mérites forment un si complet contraste avec les éclatantes qualités de son père, comme un futur premier ministre de l’Angleterre. On sait que, quoique appartenant au parti tory par la position de sa famille, lord Stanley n’a l’esprit fermé par aucune prévention aux idées et aux sympathies qui secondent les progrès politiques des classes populaires. Le discours de lord Stanley ne peut donc manquer de produire un grand effet sur l’opinion. Le jeune homme d’état n’a jamais parlé avec plus de précision et de fermeté. Il a fait ressortir avec beaucoup de vigueur le vice de la scission arbitraire que le ministère a établie dans la question de la réforme parlementaire en faisant deux lois distinctes des conditions de la capacité électorale et de la distribution des sièges. Une solution équitable et logique du problème de l’organisation électorale doit, d’après les traditions historiques de l’Angleterre et les formes de l’esprit anglais, être une transaction équilibrée entre les intérêts dont il s’agit d’assurer la représentation. Il faut donc régler par une même loi tout le système électoral, aussi bien les conditions du suffrage que la répartition des districts qui devront être représentés. Sans cela, il pourrait arriver que le système entier ne serait point voté par le même parlement. La chambre des communes, après la session où aurait été posé le droit de suffrage, pourrait être dissoute, les élections se feraient avec le nouveau droit électoral, et c’est le parlement suivant, nommé par d’autres électeurs, qui réglerait la distribution des sièges sans plus tenir compte des intérêts