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dans cette crise extrême, savait prendre avec promptitude des résolutions vraiment libérales. Les états secondaires ne subissent point encore la fascination de la Prusse. Le plus important de ces états, la Bavière, que l’on disait depuis quelque temps enguirlandé par M. de Bismark, vient de montrer qu’il a conservé son indépendance par la dépêche éloquente écrite par M. de Pfordten en réponse à la circulaire prussienne. M. de Beust, qui a lié son nom à la cause des états secondaires, fait, lui aussi, bonne contenance. Si les gouvernemens des états moyens, durement pressés par la gravité des circonstances, avaient quelque inspiration généreuse, s’ils s’entendaient sur une réforme fédérale où se pussent concilier l’esprit libéral et le désir d’union nationale qui animent leurs populations, on pourrait opposer à la Prusse une résistance victorieuse, sauver l’indépendance de l’Allemagne et prévenir un ébranlement européen. Encore tout demeure-t-il subordonné à l’esprit qui inspirera la politique autrichienne. L’Autriche saura-t-elle prendre à temps une résolution héroïque ? consentira-t-elle à se couper un membre pour reconquérir la santé ? Exposée à perdre l’Allemagne, aura-t-elle assez de bon sens et de vrai courage politique pour faire le sacrifice des possessions qu’elle conserve en Italie, possessions qui ne servent qu’à entretenir derrière elle un ennemi redoutable et à pousser cet ennemi dans l’alliance de la Prusse ? Les circonstances présentes placent en effet l’Italie sous le poids d’une impérieuse nécessité. L’Italie ne peut point voir éclater la guerre entre la Prusse et l’Autriche et demeurer indifférente et inerte. Un état en formation comme l’Italie ne peut pas sans déchéance laisser échapper négligemment une occasion semblable. Tant que l’Autriche ne se sera point réconciliée avec l’Italie en lui cédant, contre de justes compensations, la Vénétie, l’Autriche ne pourra avoir un seul ennemi en Europe sans en avoir immédiatement un second derrière elle ; elle aura toujours deux adversaires à combattre. Un état ne saurait longtemps supporter une pression aussi continue. Le premier souci de l’Autriche devrait être de se délivrer, de cette maladie chronique. Quant à l’Italie, si le conflit austro-prussien lui laisse entrevoir une chance décisive de compléter son affranchissement jusqu’à l’Adriatique, elle se voit aussi exposée à de nouveaux hasards, et va sentir la nécessité de subir de nouvelles charges. Il y a trois mois, le cabinet italien était très sincèrement décidé à effectuer d’importantes réductions dans ses armemens militaires ; mais depuis sont venues les ouvertures de la Prusse à l’Italie, et, tout en se tenant sur la réserve, et l’on a dû continuer les armemens sur le même pied. Il faudra bien que le parlement en finisse avec la question financière. Nous croyons que le ministère est décidé à demander le vote de 120 millions d’impôts nouveaux ; ces impôts seront votés vraisemblablement sans discussion, car le ministère est disposé à faire de la question financière une question de cabinet. Si la crise politique affecte leur crédit public et leur impose de lourds sacrifices, les Italiens ont du moins