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se sont accrues. A partir de 1863, les prix ont baissé, et les exportations ont recommencé. De tout temps, une période d’exportation a succédé invariablement à une période d’importation, comme le balancement d’un pendule.

Un grand nombre de nos producteurs s’épouvantent d’avoir à lutter, comme ils disent, avec le monde entier ; mais ce n’est pas tel ou tel régime légal, c’est la force des choses qui le veut ainsi. Vous ne pouvez pas empêchée que de nos jours les chemins de fer et les bateaux à vapeur ne rapprochent toutes les distances. Remarquez d’ailleurs que, si le reste du monde peut vous approvisionner, il peut aussi vous servir de débouché ; l’un compense l’autre. Vous dites que les terres de la Russie, de la Hongrie, de l’Amérique, n’ont qu’une faible valeur en comparaison des vôtres et que l’importation tend à vous faire descendre au même niveau ; mais les terres de l’Angleterre, de la Belgique, des Pays-Bas, de la plus grande partie de l’Allemagne, ont une valeur plus haute, et l’exportation tend à son tour à vous élever jusqu’à elles. Voyez ce qui se passe en France même : nous avons des terres qui valent 10,000 francs l’hectare et des terres qui valent 100 francs ; quelles sont celles qui ont à redouter la concurrence des autres ?

Ces fantômes s’évanouissent peu à peu ; l’enquête achèvera de les dissiper. Ce n’est pas sur le terrain de la protection qu’il faut placer la question, c’est sur l’assiette et la quotité de l’impôt. Si les plaintes contre la liberté commerciale sont imaginaires, il n’en est pas de même des griefs contre l’impôt. L’agriculture a été de tout temps la bête de somme du fisc, et dans la répartition des charges ses intérêts sont toujours sacrifiés. Voilà la véritable cause de ses souffrances. Il n’y a qu’un remaniement presque complet, soit dans les recettes, soit dans les dépenses publiques, qui puisse lui donner satisfaction. L’entreprise est immense et difficile, et on comprend que les plus hardis reculent effrayés ; mais au bout du compte les agriculteurs forment les deux tiers de la nation, et s’ils peuvent parvenir à s’entendre, le suffrage universel met entre leurs mains un instrument irrésistible. Ils ont d’autant plus le droit de s’en servir qu’ils n’ont à demander que le bien général.

On a pu juger du progrès qu’ont fait faire depuis quelque temps à l’opinion publique les surcharges d’impôt par ce qui s’est passé dans une réunion tenue récemment à Paris sous le nom de congrès des sociétés savantes. Cette assemblée libre, qu’il ne faut pas confondre avec une autre du même nom, exclusivement scientifique, et tenue sous les auspices du ministre de l’instruction publique, avait une section d’agriculture présidée par un membre du corps législatif et composée d’hommes appartenant aux sociétés