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qu’en 1861 ; mais tout le monde connaît la cause première de cette grande introduction, c’est la ruine à peu près complète de la soie indigène. Si puissante qu’elle ait pu être, l’importation n’a pu remplir le déficit, et nos fabriques de soieries ont subi une réduction de matières premières d’un tiers ou d’un quart. Même observation pour le coton. Il est entré en 1865 pour 141 millions de coton de plus qu’en 1861. Voilà le gros chiffre, celui qui semble indiquer le plus grand progrès ; malheureusement ce n’est qu’une apparence. Il faut distinguer entre la quantité et le prix. Quand on recherche la quantité, on trouve qu’il est entré en 1865 un grand tiers de coton de moins qu’en 1861 ; ce qui s’est accru, c’est le prix, qui a plus que doublé. Ainsi notre industrie cotonnière n’a pu travailler que sur un tiers de coton de moins, et elle l’a payé deux ou trois fois plus cher, sans parler de la qualité, qui est devenue plus mauvaise.

Il est entré en 1865 pour 85 millions de laines brutes de plus qu’en 1861, et comme l’exportation en emporte une partie, la véritable différence ressort à 70 millions. — Jusqu’à quel point ces 70 millions de nouvelles laines sont-ils venus s’ajouter à celles qui alimentaient nos manufactures ? C’est ce qu’il est bien difficile de savoir. Si la production des laines indigènes a reculé au lieu d’avancer dans ces cinq ans, comme tout semble l’indiquer, l’introduction nouvelle a dû combler d’abord le déficit ; dans quelle proportion ? Nous l’ignorons. Si nous n’avions plus de moutons du tout, nous importerions encore plus de laines ; en serions-nous plus avancés ? Admettons qu’il y ait eu depuis cinq ans un accroissement réel, dans la fabrication de nos lainages ; cet accroissement ne suffit pas pour combler la restriction forcée de nos fabriques de soieries et de cotonnades. Ce qui ressort en fin de compte, tout compensé, c’est une perte d’un cinquième ou d’un quart dans l’ensemble de notre production manufacturière.

Hâtons-nous de dire que ceci ne porte aucune atteinte au principe de la liberté commerciale. Avec un déficit énorme sur nos soies et un autre moins grand sur nos laines, que serions-nous devenus, si l’approvisionnement étranger n’avait réparé en partie ces brèches ? A la catastrophe agricole seraient venues se joindre des catastrophes industrielles encore plus terribles.

Passons aux exportations. Ici le gain apparent dépasse 1 milliard 300 millions. Les évaluations de 1865 le réduiront probablement ; il s’accroît aussi de quelques articles qui n’y figuraient pas autrefois au même titre, comme la réexportation du coton en laine et de la soie brute, qui ne s’élève pas à moins de 200 millions. Le véritable chiffre doit être de 900 millions, ce qui est fort beau encore. La plus grande partie de cette différence porte sur cinq ou six articles : les tissus de laine, qui figurent pour 190 millions, la