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faut que l’agriculture fasse ses cahiers de 1789, » a écrit de son côté un membre de nos anciennes assemblées, M. de Larcy. Ces deux mots peignent la situation.

L’enquête débutera probablement par rechercher, si l’agriculture a fait de sérieux progrès depuis « l’ère impériale, » comme a dit M. le ministre de l’agriculture et du commerce dans son discours de Poissy ; ce n’est pas nous qui avons imaginé cette façon de parler, nous nous bornons à la reproduire. D’après ce discours, les terres ensemencées en froment se sont accrues depuis 1851 de 1 million d’hectares, les vignes de 100,000 hectares, la betterave a passé de 36,000 hectares à 119,000, et le rendement moyen des céréales pour l’ensemble de la France a suivi une progression constante. Nous admettons le premier fait, l’extension de la surface ensemencée ; mais il nous paraît difficile de le concilier avec le dernier, l’accroissement constant du rendement. Nous voyons en effet, si nous consultons les documens officiels, que la moyenne du rendement, pour les cinq ans qui ont précédé 1852, a été de 15 hectolitres par hectare, et dans les cinq ans qui ont suivi 1860, de 14 hectolitres 18 litres ; la moyenne a donc baissé, au lieu de monter, depuis 1851, et il faut remarquer que dans la dernière période quinquennale se trouve l’année 1863, la plus abondante qu’on ait jamais vue, qui élève beaucoup le total ; la véritable moyenne ne doit pas dépasser 14 hectolitres. Cette coïncidence d’un abaissement dans le rendement avec une extension de la surface ensemencée s’explique parfaitement par les lois, de l’économie rurale ; en étendant les cultures du blé à des terres de qualité inférieure et en disséminant sur un plus grand espace les forces et les engrais dont on dispose, on doit obtenir une récolte médiocre, et on se met dans l’impossibilité de la soutenir.

Le discours de Poissy ne nous dit pas sur quoi on a pris ce million d’hectares nouveaux consacrés à la culture du blé. Les trois départemens annexés ont sans doute apporté leur contingent, ce qui réduit d’autant la part de l’ancien territoire, et cette part elle-même, d’où vient-elle ? « Ces accroissemens, dit M. le ministre, n’ont rien coûté aux cultures accessoires, car l’ensemble des terres cultivées a progressé dans cette même période d’une manière absolue. » C’est ici que des chiffres auraient été nécessaires. Combien d’hectares ont passé depuis 1851 de l’état inculte à l’état cultivé ? Le nombre en est-il égal ou inférieur à celui des terres nouvellement emblavées ? S’il est inférieur, et il doit l’être, la différence a nécessairement été prise sur les anciennes cultures. Est-ce le seigle qui a reculé ? est-ce l’avoine ? est-ce la culture des fourrages ou des racines ? On nous dit que la vigne s’est accrue de plus de